Portrait de Louise de Chaulieu
« Mes yeux bleus ne sont pas bêtes, ils sont fiers, entourés de deux
marges de nacre vive nuancée par de jolies fibrilles et sur lesquelles
mes cils longs et pressés ressemblent à des franges de soie.
Mon
front étincelle, mes cheveux ont les racines délicieusement plantées,
ils offrent des vagues d’or pâle, bruni dans les milieux et d’où
s’échappent quelques cheveux mutins qui disent assez que je ne suis pas
une blonde fade et à évanouissements, mais une blonde méridionale et
pleine de sang, une blonde qui frappe au lieu de se laisser atteindre.
Le coiffeur ne voulait-il pas me les lisser en deux bandeaux et me
mettre sur le front une perle retenue par une chaîne d’or en me disant
que j’aurais l’air Moyen Age - « Apprenez que je n’ai pas assez d’âge
pour en être au moyen et pour mettre un ornement qui rajeunisse! » Mon
nez est mince, les narines sont bien coupées et séparées par une
charmante cloison rose; il est impérieux, moqueur, et son extrémité est
trop nerveuse pour jamais ni grossir ni rougir.
Ma
chère biche, si ce n’est pas à faire prendre une fille sans dot, je ne
m’y connais pas. Mes oreilles ont des enroulements coquets, une perle à
chaque bout y paraîtra jaune. Mon col est long, il a ce mouvement
serpentin qui donne tant de majesté.
Dans
l’ombre, sa blancheur se dore. Ah! J’ai peut être la bouche un peu
grande, mais elle est si expressive, les lèvres sont d’une si belle
couleur, les dents rient de si bonne grâce! Et puis, ma chère, tout est
en harmonie: on a une démarche, on a une voix! »...
Mémoire de deux jeunes mariées par Honoré de Balzac.
Joseph
Lohou ( )