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Callac le 1er mars 1906
Monsieur,
Je tiens à protester sans violence mais de toute l'énergie de mon âme, contre
l'opération que vous vous proposer de faire et que vous avez mission
d'accomplir.
Votre personne n'est point ici en cause. Nous la respectons. Cette église
bâtie des deniers et par la fois de la catholique population de Callac, est une
propriété exclusive. Les biens qu"elle renferme : ornements, vases
sacrés, objets de culte ou qui en dépendent, telles que : fondations, rentes
ou donations, proviennent de la piété et de la générosité des fidèles, et
constituent un dépôt sacré dont aucun pouvoir public ne saurait les
déposséder sans injustice.
Or l'inventaire que vous êtes chargé d'en dresser, n'est à mon
jugement comme au leur, que l'acte préliminaire d'une main-lise sue ces biens
en vue d'une confiscation future.
Comme Pasteur légitime de cette paroisse, je suis le gardien officiel de mon
église ; j'ai aussi pour mission de concert avec les conseillers de la
fabrique, de défendre les biens de celle-ci, de les sauvegarder, de les
transmettre dans leur intégrité à qui de droit. Le Pape, à qui les
catholiques doivent obéissance et soumission, pourrait seul légitimer cet
inventaire, en légitimant au préalable les associations cultuelles que l'on
veut faire les héritières des fabriques et le Pape vient de prononcer contre
la loi de séparation qui déchire le Concordat sans avoir été dénoncé, la
plus solennelle des condamnations.
En cette occurrence, vous n'attendez pas de moi que je sois l'économe infidèle
dont parle l'Évangile, que je puisse forfaire à mon honneur sacerdotal ou
trahir la confiance de mes paroissiens, en prenant part à vos opérations.
De près ou de loin, je ne m'y prêterais. Tout ce qui se ferait donc ici,
malgré mon opposition, sera la méconnaissance des droits de Dieu et de son
Église, des droits des catholiques. Et pour cette besogne, je le répète, vous
n'obtiendrez de ma part, ni concours , ni complicité.
Je vous demande, Monsieur, d'insérer cette protestation aux procès-verbal de
vos opérations, si vous oser y procéder. Elle a pour but de réserver tous les
droits des tiers et de l'Église qui vont être volés, de faire entendre la
voix impérative du devoir de libérer ma conscience de citoyen français, de
catholique, de prêtre, et de Pasteur.
MM Le Men, Curé-Doyen de Callac
AD22.
série V-art. 3811.