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Callac-de-Bretagne |
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Anatole Le Braz[1].
Des noms de rues, de places ou d'écoles font encore survivre la mémoire
de ce breton oublié. Eh oui, Anatole Le Braz est un de ces génies dont
l'histoire reste méconnue du grand public. Pionnier de la culture
bretonne aux côtés des Charles Le Goffic et autre Théodore Botrel, ce
natif de Saint-Servais a marqué à jamais la littérature celtique de
notre région.
Tout commence à Saint-Servais.
C'est dans le bourg de Saint-Servais, anciennement situé sur la commune
de Duault que naquit le 2 avril 1859 Anatole Le Braz. Il y vécut
jusqu'à l'âge de deux ans. Sa maison natale, vieille bâtisse en granit,
campe fièrement au centre du village. Elle est aujourd'hui annexée par
la mairie et La Poste. Sur l'un des murs, une plaque souvenir a été
déposée, à la mémoire « de l’Orphée[2] breton qui ne voulut connaître
et chanter que la Bretagne ».
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A gauche, facsimilé de l’acte de naissance d’Anatole Jean François Marie Lebras (ADCA) |
A
droite, en 1925, le monument aux morts de Saint Servais et en
arrière-plan la maison natale d’Anatole devenue bien plus tard la
maison commune ou mairie. |
Le jeune Anatole est le fils de par les écoles de Buhulien et Pluzunet.
Sa mère, Jeanne, née Le Guiader, épaule son mari pour encadrer des
classes déjà combles à l'époque. Elle ouvrit également dans le village
une petite épicerie, très fréquentée par les femmes du village qui «
furent fort intriguées par le moulin à café trônant sur le comptoir ;
intriguées certes, curieuses sans doute, mais prudentes, car elles
refusèrent obstinément de consommer ce noir breuvage ! » comme le
relate Joseph Jigourel, auteur d'une biographie sur Anatole Le Braz*.
Encore trop jeune pour se remémorer sa vie à Saint-Servais, Anatole Le
Braz se nourrit des récits de ses parents, « entretenus et ravivés par
les visites qu'il fit à son village natal » raconte Joseph Jigourel.
Fasciné par la mort, le Breton relate quelques épisodes traumatisants
de ses premières années. Le jour de, son baptême, sa sœur aînée,
Marie[3], âgée de 5 ans tombe dans le bief du moulin de Kerroux
en Saint-Servais et manque de se noyer, emportée par le courant. Elle
est sauvée de justesse par le meunier du village. L'auteur raconte
également l'épidémie de choléra qui sévit à Saint-Servais et dans les
environs. Il rapporte l'attitude exemplaire de son père « médecin et
fossoyeur et s'acquit par là une réputation d'héroïsme ».
Nicolas Le Bras(1825-1901)
En 1861, Nicolas Le Bras[4] quitte Saint-Servais pour enseigner à
Ploumilliau. C'est dans le Trégor qu'Anatole se forge un rattachement
pour la Bretagne. Il y vit pendant toute son enfance jusqu'à son entrée
au lycée impérial de Saint-Brieuc, devenu aujourd'hui le collège
Anatole le Braz. Ploumilliau, ce village qu'il aime tant est qualifié
par Joseph Jigourel comme « sa véritable patrie [...]
C'est Ploumilliau qui a fait d'Anatole, Jean-François-Marie Le
Bras, Anatole Le Braz ». Dans le Trégor, le jeune homme s'enrichit de
belles rencontres influençant son parcours intellectuel, à l'image de
l'abbé Villiers de l'Isle-d'Adam, recteur de Ploumilliau qui l'initie
au latin. Il y découvre également la mort, d'abord personnifiée par la
statue de l'Ankou, installée dans l'Eglise du village, puis son vrai
visage, avec le décès de sa mère en 1869 ;
Les Bretons à Paris.
Admis quelques années plus tard au lycée Saint-Louis à Paris, il devient licencié ès lettres.
La capitale, le Trégorrois se rapproche des milieux artistiques
bretons. Il organise, en compagnie notamment d'Ernest Renan, des «
dîners celtiques », réunissant les lettrés restés attachés à leur terre
de Bretagne. Se voyant refuser l'autorisation de préparer l'agrégation
de philosophie, Anatole Le Braz vit ses premières années d'adulte en
tant qu'enseignant à Paris puis à Etampes, entre Paris et Orléans
Retour aux sources
Mais le jeune homme se languit de sa douce Bretagne. En 1886, âgé de 27
ans, il apprend que le collège de Quimper vient d'être transformé en
lycée et en profite pour y poser sa candidature en tant que professeur.
De retour en Bretagne, il rencontre sa future femme, Augustine Jeanne
Le Guen, qu'il épouse en 1888. Cette période de sa vie constitue un
tournant important dans sa construction intellectuelle.
C'est à Quimper qu'il se lie d'amitié avec François Marie Luzel,
archiviste départemental. Ce dernier l'encourage à collecter légendes,
récits, chansons, contes et autres manifestations écrites ou orales de
la culture populaire bretonne. C'est à cet instant qu'Anatole Le Braz
prend conscience de la richesse que pouvait constituer toute cette
culture celtique. Sa seule frustration restera le refus de
l'administration quimpéroise de lui laisser enseigner des cours
facultatifs de breton.
Un écrivain prolifique
Publiant des fictions, dont le célèbre « Gardien du Feu » ou encore des
récits de voyage, chansons et contes sur la Bretagne, Le Braz est fait
chevalier de la Légion d'honneur en 1897 et affiche une notoriété
certaine auprès des milieux littéraires. Il ravive les vieilles
légendes celtiques. L'Ankou de Ploumilliau inspira en partie sa «
Légende de la mort » « Cet Ankou a été la terreur de mon enfance. Son
voisinage troublait toujours mes jeunes prières » rapportait le
.Trégorrois.
Politiquement, Anatole Le Braz a aussi son mot à dire. En effet, en
1898, il fonde, avec Charles Le Goffic et Louis Tier-celin « Union
régionaliste bretonne », premier parti régionaliste breton, à tendance
conservateur. Une notoriété grandissante
En 1901, Anatole Le Braz est promu maître de conférences à la faculté de Rennes, puis professeur titulaire trois ans plus tard.
Sa renommée prend même une dimension internationale. Dès 1906, il
séjourne aux États-Unis, à l'Alliance Française, où il était chargé de
faire connaître la France, ses particularités régionales et bien
entendu... la culture bretonne ! Appelé également en Grande-Bretagne et
en Suisse, il vogue de conférence en conférence. Ce qui ne l'empêche
pas de retourner ponctuellement dans le Trégor, y retrouver ses amis et
prononcer des discours en breton lors des enterrements de notables
locaux.
Durant la Grande Guerre, il enseigne le français aux soldats américains
et finit par rencontrer le président des Etats-Unis, Woodrow Wilson.
Le 1er août 1924, Anatole Le Braz tire sa révérence en prenant sa
retraite à l'âge de 65 ans. Il décède deux ans plus tard, au bord de la
Méditerranée à Menton, loin de sa terre natale... Mais son corps, lui,
reste à jamais enraciné dans le sol breton, enterré au cimetière de
Tréguier.
Benoît SOURD- « L’Écho de l’Armor et de l’Argoat N°3463 du 26 août au 1er septembre 2015.
Source : JIGOUREL Joseph, Anatole Le Braz : sa vie, son œuvre, Collection Létavia, 1996
Notes de la rédaction.
[1]Anatole Jean François Marie Le Bras(Braz),
(°Duault 1859-Menton 1924), professeur de lettres, un écrivain et un
folkloriste français de langue bretonne, mais n'ayant publié qu'en
français, alors qu'il maîtrisait le breton dans lequel il a écrit des
poésies…
[2]Orphée (en grec ancien Ὀρφεύς / Orpheús) est un héros de la
mythologie grecque, fils du roi de Thrace Œagre et de la muse Calliope.
Poète et musicien, il était parfois considéré comme un prophète…
[3] Marie Le Bras, née à St Servais-Duault en 1854, devenue receveuse
des Postes, épousera à 27 ans à Ploumilliau en octobre 1881 son employé
Yves Marie Meurou ; il était temps, car en décembre de la même année,
naîtra Anatole Paul Joseph Meurou. Présent au mariage de sa sœur aînée
en 1881, Anatole Le Bras, le parrain présent, était à Paris, licencié
en Lettres et encore célibataire. Curieusement, ce fils bien éduqué,
sera admis à l’école vétérinaire de Toulouse en 1901 et avec son
diplôme de docteur-vétérinaire en poche viendra s’installer à Callac en
1911, devançant de quelques années Louis Mariette, issu également de
cette prestigieuse école vétérinaire de Toulouse…
[4]Nicolas Le Bras, (°1825, Plestin-les-Grèves-+1901 Tréguier), fils
d’un couple de commerçants de Plestin, Yves, marchand d’étoupes et
Marie Yvonne Meuric, filandière. Nicolas se destine à une carrière
d’instituteur et intègre en 1840 l’École Normale Primaire de Rennes et
à sa sortie en 1845, il est d’abord nommé instituteur à Penvenan,
puis à Duault. Nous le trouvons en 1851 instituteur primaire au
bourg de St Servais, accompagné de son épouse, Jeanne Guiader, de sa
première fille, Anne Marie Françoise, née le 11 novembre 1850 et de sa
propre sœur, Marie Françoise Le Bras.
En 1850, Gaultier du Mottay, correspondant de L’Instruction publique à
St Brieuc, rédige un formulaire en 36 questions envoyé, fin
1859, aux instituteurs du département par l’intermédiaire de
l’Inspecteur primaire des Côtes-du-Nord, Joseph Rousselot. A la
réception de ce questionnaire, les instituteurs, devant l’ampleur de la
tâche, y répondent avec plus ou moins d’enthousiasme. Mais à Duault,
Nicolas Le Bras, père d’Anatole, le futur écrivain, se prend au
jeu et réalise un travail remarquable pour un trégorrois en place
depuis peu et étranger aux subtilités de l’Argoat cornouaillais.
Voir : http://joseph.lohou.perso.sfr.fr/Callac-de-Bretagne/duault1860bras.html
Après Duault, Nicolas fut respectivement instituteur à Ploumilliau de 1861 à 1872, puis à Pleudaniel, de 1872 à 1874.
En retraite à Tréguier en 1875, il y fut conseiller municipal jusqu’à
sa triste disparition en 1901 dans un naufrage qui affecta toute sa
famille.
Voir : http://joseph.lohou.perso.dfr.fr/Callac-deBretagne/naufrage_famille_le_braz_1901.html
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