Callac-de-Bretagne

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JOHN LOBB, UN CÉLEBRE BOTTIER, plein D'HUMEUR ET DU CHARME

 

L'honorable bottier chausse sur mesure, on le sait. Il installe son nouvel atelier dans le neuvième arrondissement parisien? On y court avec curiosité...

 

Certains pieds sont plus égaux que d'autres. Surtout ceux qui traînent - façon de parler - au cœur de Paris, face au théâtre Moga­dor... Ce ne sont pas ceux des lorettes qui autrefois hantaient ces parages, ni ceux des touristes et Parisiens à l'assaut des grands magasins... Non, ces pieds là sont en quête d'élégance. Et s'ils franchissent la lourde porte cochère de cet immeuble de grand standing mais sans grâce particulière, c'est pour assu­rer du charme et de l'humeur à leurs orteils en les confiant aux maîtres bot­tiers de John Lobb. Installés à Paris depuis 1902, ces derniers viennent d'in­vestir ces nouveaux ateliers au centre de la capitale. Oh! bien sÛT, on peut prendre les mesures ailleurs, la griffe possède d'autres points de vente. Mais pourquoi se priver de découvrir au passage ce lieu de «marchand et d'artisan », comme le définit Renaud Paul-Dauphin, qui préside aux destinées du bookmaker...

Car ici, un étage au-dessus du salon où l'on reçoit les clients, on richelieuse, on botte, on mocassine, on derbyse, on escarpine... Et pour cela, on tigeotte, on met en humeur veaux et alligators (en humidifiant leurs peaux pour les assou­plir), on coud, on cire, on glace. Et l'on conserve trois mille formes en charme: les pieds des clients de John Lobb ne sont pas comme les vôtres. Ils exhalent le parfum du bois. C'est la seule fragrance, avec celle des cuirs, s'échappant de l'atelier aux fenêtres s'ouvrant sur la ville. Ces souliers sur mesure ne sont pas des pièces de musée (quoique) : ils naissent face à leur destin : l'asphalte.

 

 

Sous l'autorité de Michel, chef d'atelier, les seize ouvriers - qualité dont on est fier ici - travaillent dans le silence. Il est rythmé par le cliquetis des aiguilles, le battement sourd et régulier d'un marteau sur le talon. Pas de précipitation inutile... Les cent quatre-vingt-dix étapes et trois cents gestes se mesurent en dizaines d'heures: l'invisible prend du temps. Ici, les finitions ne sont pas faites à la main: tout est réalisé à la main. Il faut voir le bois de charme céder au formier pour s'adapter aux volumes des pieds du client; le crayon levé d'Hugo, dessinant un patron d'une pièce tout en caressant le modèle; la pré­cision des coupeurs sacrifiant avec délectation deux mètres carrés de peau pour une paire (ailleurs, on en taille trois dans la même surface) ; l'agilité de Marie-­Claude et de ses tigeuses le métier échappe à toute modernité paritaire,  créant la partie émergée du soulier; la force des doigts d'Haïki en pleine couture; la ferme résolution d'Olivier et Christophe (vingt-ans et quelques poussières, d'expérience au compteur tout de même) dans le montage,  un métier d'homme; la sensualité du pinceau appliquant sur la semelle le pourpre de Mogador, signature de la nouvelle collection de onze modèles proposés pour célébrer le retour du bottier au centre de la cité. La clef des lieux ? Devenir client et connaître la volupté de la prise de mesure, de l'essayage, de la livrai­son... Le prix à payer ? Soyons chic. Disons, la patience. ­

 

John Lobb, 32, rue de Mogador, 75009 Paris


                          Joseph LOHOU(octobre 2009)


  

 

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