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François Jaffrenou à l’école à Carnoët en 1884-1889.
Dans les régions les plus pauvres de la Basse- Bretagne intérieure, les
familles paysannes vivaient de telles difficultés qu'elles n'avaient
pas les moyens de scolariser les garçons, sans parler des filles. Elles
estimaient d'ailleurs qu'il n'était pas nécessaire d'être instruit pour
savoir travailler dans les fermes. Fils du notaire de CARNOET (22),
François JAFFRENNOU a fréquenté l'école laïque de garçons de 1884 à
1889. «Il n'y avait pas beaucoup de gamins dans l'école de M. Bouder,
bien que Carnoét fût une grande paroisse de 2 800 habitants. On
n'envoyait pas tous les enfants en classe, loin de là. Nous n'étions
qu'une vingtaine, au grand maximum ». Le directeur venait bavarder chez
ses parents, et reprochait à son père de ne pas l'obliger à parler
davantage en français, en dehors de l'école. « Nous n'utilisions que du
breton entre nous, les gamins du village, et le pauvre M. Bouder
perdait courage en voyant que la moitié de ses petits élèves
n'apprenaient rien ». Quand il publie ses Souvenirs de jeunesse en 1942
— 1944, Taldir JAFFRENNOU attribue la cause de ces échecs à des
méthodes pédagogiques, mal adaptées à un milieu bretonnant.
L'Inspecteur primaire du Finistère avait adressé en 1897 aux directeurs
et directrices une circulaire leur signifiant qu'ils ne devaient
tolérer aucun mot de breton dans leurs établissements, pas plus dans
les cours de récréation que dans les classes. «A l'école de Carnoét,
comme ailleurs, on distribuait le « symbole » à ceux que l'on
surprenait à bretonne. Ce symbole était un petit sabot de bois ». M.
Bouder punissait le fautif de quatre coups de baguette sur les doigts
et d'une retenue après la classe.
Notes sur l'école dans la région de Callac.
"Bien qu'elles
soient fragmentaires, les enquêtes menées en milieu rural montrent que,
plus de 130 ans après la loi GUIZOT, de jeunes bretonnants arrivaient à
l'école primaire sans connaître un mot de français. Klaoda an Du/Claude
Le Du date les derniers témoignages recueillis au cours de son enquête,
de 1946 et 1951 dans deux communes du canton de CALLAC, et de 1959 —
1960 dans le canton de TRÉGOR Les témoignages recueillis au
foyer-logement de CALLAC, d'octobre 2008 à novembre 2009, confirment
qu'aux alentours de 1920 le recours au « symbole » était perçu comme
une punition humiliante par les élèves bretonnantes. « Me zo bet skol
ne ouien ket galleg ; ne oa ket reiet met daou zevezh da c'hout galleg
ha goude e oa un simbol, ar votez-koad a veze laket bar c'hodell ; ma
ne oa ket ar simbol war buro ar skolaer, tout ar bugale a chome e
pinijenn. — Quand je suis allée à l'école, je ne savais pas le français
; il ne nous était donné que deux jours pour savoir le français, et
ensuite c'était le symbole, le sabot de bois qu'on devait mettre dans
la poche ; si le symbole n'était pas sur le bureau du maître, tous les
enfants restaient en punition » - « Quand on parlait breton, on était
puni. La pire des punitions, c'était le petit sabot qu'on vous mettait
dans la poche : pendant la récré, il fallait rester au coin avec son
sabot, c'était la honte ! (Gant ar vezh, avec la honte !) »...
Extrait de l'article de Marie Guézennec dans le "KAIER ar POHER" N° 37 de juin 2012, page 30.
Joseph
Lohou
(juin 2012)