Callac-de-Bretagne




Le Symbolisme de l’IF
« dans les pays anglo-saxons »


Ce n'est pas seulement dans les cimetières bretons qu'il était  d'usage de planter des Ifs; il en était de même en Angleterre durant tout le Moyen Age. Le Révérend C. A. Johns, consacre quelques pages à cette coutume.
Il rappelle, en commençant, que l'If (taxus) jouissait plutôt d'une mauvaise réputation chez les Romains, à en juger d'après la façon dont en parlent Pline et Virgile. C'était un arbre de mauvais augure. Non seulement ses baies, mais encore les objets faits de son bois, son ombre même, étaient réputés comme ayant un effet funeste sur les hommes et les animaux. Divers auteurs, tant des temps modernes que de l'antiquité, s'accordent pour considérer l'If comme doué de propriétés mortelles pour le bétail. Il n'est donc pas étonnant que l'apparition fréquente d'Ifs dans les cimetières ait suggéré l'idée que ces arbres avaient été plantés là comme un emblème de la mort et un ombrage convenable pour les trépassés.

Le Révérend C. A. Johns ne croit pourtant pas que ce soit là la vraie raison de leur présence. Après avoir parlé des Ifs plus que centenaires qui s'élèvent encore dans une foule de cimetières anglais, il continue en ces termes : « Il est très probable qu'à l'époque où on éleva des croix dans ces endroits sacrés comme emblèmes de la victoire remportée sur la mort par l'Auteur de notre foi, l’If fut planté près des croix pour symboliser, par sa durée et son aspect toujours identique, la patiente attente de la Résurrection, par ceux qui confiaient avec espoir à la terre les corps de leurs amis « ...
Ils regardaient, sans doute, la verdure perpétuelle qui ombrageait les restes de leurs pères et qui devait bientôt projeter aussi son ombre sur les leurs, comme l’expression la plus convenable de leur foi dans l’immortaliié de l'âme. Générations après générations pouvaient aller rejoindre l'assemblée de leurs pères, l'If proclamait à ceux qui restaient que tous, semblables à l'If toujours vert et immuable, vivaient dans un autre monde, la vie qui avait été l'objet de leur désir. Nous pouvons donc conclure avec assurance que l'If n'est pas un ornement insignifiant dans nos cimetières, encore moins un symbole païen, ou (comme certains le penseront) un arbre planté pour obéir à des idées superstitieuses, mais un emblème religieux approprié :


« A la vaste cime et au sombre aspect, cet arbre solitaire !
Chose vivante qui a grandi troplentement pour dépérir jamais;
de forme et d'aspect trop magnifique pour être détruite. »



Ils étaient souvent portés en procession le Dimanche des Rameaux  à la place de palmes. C’est encore la coutume, chez les paysans irlandais, de porter des brins d'If à leurs chapeaux à partir de ce jour jusqu'à Pâques.

« Nos ancêtres, dit Martyn, étaient particulièrement attentifs à conserver cet arbre funéraire dont les branches étaient portées en procession jusqu'à la tombe et déposées à l'intérieur, sous les corps de leurs amis partis de ce monde.
« Notre savant Ray dit que nos pères plantaient l'If dans les cimetières à cause de son éternelle verdure, comme un symbole de l'immortalité qu'ils espéraient et attendaient pour ceux qui reposaient là. Pour cette raison, on porte encore de l'If dans les enterrements et on en jette des rameaux dans les tombes avec les corps.

En certaines localités de l'Angleterre et du Pays de Galles, on les plante avec des fleurs sur la tombe elle-même. » Shakespeare fait allusion à une coutume semblable:

Philips cite des passages tirés des anciennes lois galloises d'après lesquels il semble que certains arbres étaient solennellement consacrés à des fins religieuses et par suite, estimés plus haut que d'autres :

 « Un If consacré, sa valeur est d'une livre sterling ; un chêne, sa valeur est de  20 pence. »

« Mon blanc linceul tout garni d'if, oh ! prépare- le ! »

Le Révérend C. A. Johns démontre, sans peine, l'absurdité de l'opinion courante qui voudrait que les Ifs aient été plantés, au Moyen Age, dans les cimetières, pour fournir du bois à la fabrication des arcs.
Il mentionne un article, paru dans le Magasine of Natural Hislory dans lequel M. Bowman exprime l’opinion que les anciens Bretons, avant l'introduction du Christianisme, plantaient des Ifs près de leurs « temples ».
Saint Augustin convertissant ces temples en Églises chrétiennes, suivant les instructions de Grégoire- le-Grand, aurait laissé les Ifs. On voit encore des Ifs qui, suivant toute probabilité, étaient déjà des arbres vénérables avant l'introduction du christianisme.

Une opinion analogue est celle de M. Bree qui prétend que, bien loin que les arbres aient été plantés dans les cimetières {churchyards) après l'érection des églises, ce sont au contraire les églises qui, à l'origine, furent fréquemment bâties dans des bosquets d'Ifs ou près de vieux Ifs.

Le grand arc (long how) qui fut l'arme nationale des Anglais à l'époque des batailles de Crécy, de Poitiers et d'Azincourt, était généralement fait d'If. L'If étranger paraît avoir été préféré pour cet usage à l’If anglais.

« A la vaste cime et au sombre aspect, cet arbre solitaire !
Chose vivante qui a grandi trop lentement pour dépérir jamais;
de forme et d'aspect trop magnifique pour être détruite. »


Sources.
Journal :  Le Fureteur Breton-1908 »

                                                                                                                        Joseph Lohou (janvier 2016)