Page
d'Accueil
Un peu d'histoire locale
Le Château de Callac

On rencontre encore
de nos jours, surtout en Bretagne, quelques majestueuses
ruines dont la robuste et noble vigueur a triomphé des ans
et qui de dressent aux regards des voyageurs, comme les
vivants témoins des âges disparus. Ici on aperçoit un
donjon vénérable encore solide et fier, malgré sa décrépitude
; là, un rempart découronné que la morsure des hivers,
constamment lézardé et déchiré ; ailleurs, de vieilles
tours cimentées de mousse, habillées de lierre, derniers
vestiges d'une époque, mais tout imprégné d'histoire.
Du château féodal de Callac, il ne reste plus une pierre,
ni un débris pour en attester l'existence, en perpétuer le
souvenir, et en marquer l'emplacement. C'est à peine si,
dans les traditions locales, il y est fait une discrète
allusion, plutôt in certaine et vague. Les personnes
pourtant qui ont quelques lectures, qui gardent le culte des
vieilles choses et qui, sans chauvinisme, aiment leur patrie
natale comme tout ce qui contribue au relief et à l'éclat
de son renom, savent que la petite cité callacoise fut à
l'origine et dans le Moyen âge une importante
forteresse.
Il y aura bientôt
trois cents ans que celle qui a disparu, et le temps
inexorable qui efface tout, l'ensevelissait chaque jour
davantage sous le linceul de l'oubli. Une laborieuse
recherche dans les archives séculaires et poussiéreuses a
amené la découverte d'une pièce du plus hait intérêt
pour nous? Ce document unique a permis à la suite de
patientes études, de reconstituer avec sa physionomie
propre, le vieux château fort de Callac. Et aujourd'hui
Ouest-France est particulièrement heureux de le placer sous
les yeux de ses lecteurs. Sa vue sera pour tous comme une
vision lointaine du passé, comme une évocation des
clameurs des hommes de guerre, clameurs qui, maintes fois,
retentirent autour de sa rude enceinte.
Une Place Forte
Le château était bâti à la
pointe du promontoire rocheux qui se termine à la jonction
des deux vallées de Pont ar Vaux et de l'Hyères, à
l'endroit précis où l'on voit aujourd'hui le jardin de
Madame Le Houérou-Kérisel(actuellement propriété
Connan[1)). En face, une gorge profonde facile à inonder
par le barrage de Blandelet (Moulin de Callac ), et à
transformer en lac ou en marécage presque infranchissable.
La pente abrupte, escarpée du promontoire dont, route ou
sentier n'avait alors labouré les flancs, rendait
l'escalade particulièrement périlleuse ; et pour atteindre
le sommet, l'assaillant devait franchir un mur d'enceinte
derrière lequel s'abritaient les défenseurs de la place.
Puis, dominant le tout, le fier Castel se profilait sur
l'horizon avec sa masse sombre dans sa rudesse et sa nudité.
L'établissement était d'importance. Le grand corps de bâtiment
ou demeure seigneuriale, outre les caves aux deux immenses
voûtes, comprenait trois grandes salles également voûtées
et trois chambres hautes de même dimension, éclairées par
douze grandes fenêtres en façon de grilles pendantes. Un
escalier de 45 marches montait des caves aux grandes salles
et un grand escalier de 77 marches conduisait aux chambres
hautes.
Derrière celles-ci, s'ouvrait une galerie crénelée sur
laquelle donnaient trois huisseries, avec fenêtres et
lucarnes. Enfin cinq immenses cheminées se partageaient la
toiture. Le corps du logis avait 71 pieds de longueur sur 43
pieds de largeur et 45 pieds de hauteur ; l'épaisseur de
ses murs variait de 8, 11 et 17 pieds. Le tout était
construit de "pierres de grain taillées et polies à
pointe de marteau..."
Joignant les murs des grandes salles " vers matin"
un corps de logis de 30 pieds et voûté, conduit à une
grande tour et prison où l'on voit plusieurs voûtes et fenêtres
avec un escalier de 5 marches. A l'autre bout est un rempart
garni de créneaux, et voûté qui aboutit à une grande
tour et prison, dont les murailles ont une épaisseur de 12
pieds avec 34 pieds de hauteur.
Les Enceintes
Comme les forteresses de l'époque, le
château était entouré d'un mur d'enceinte continu coupé
seulement d'une porte unique qu'on ne franchissait pas aisément.
Cet enclos renfermant : cour, issue, fondier et jardin,
avait une superficie de deux journaux et demi et 88 cordes.
Cette superficie correspond exactement à celle fournis par
le plan cadastral, et comprend le terrain limité par une
ligne droite partant de la venelle Jobic et aboutissant vers
l'ancienne propriété des Dames Delafargue.
Le plan d'ensemble de la forteresse de Callac affectait la
forme triangulaire dont le "Kleun-Meur" formait la
base. De l'enceinte du château proprement dite, et que nous
venons de décrire, partaient deux murailles rejoignant les
deux extrémités du "Kleun-Meur". Celui-ci, dont
une partie seulement à conservé jusqu'à nos jours, son
ancienne appellation s'étendait de la maison Le Bihan
jusqu'en face de la Perception. Comme sa dénomination
l'indique, et comme le veut l'art militaire au XII° siècle,
le "Kleun-Meur" n'était autre chose que de gros
remparts de terre surmontés de fortes palissades en bois.
Ces retranchements et palissades étaient eux-mêmes défendus
à l'extérieur par des douves profondes. Derrière ces
fortifications se réfugiaient en cas de guerre, les vassaux
et sujets de la seigneurie, qui aidaient à la défense du
château.
Cette seconde enceinte était percée au sud de deux portes
contiguës donnant accès dans les places.
Vraisemblablement, l'existence de cette double porte a
fourni sa dénomination au faubourg qui s'est formé plus
tard à l'entrée de la citadelle féodale...
Le château de
Callac, assis sur son éperon rocheux, entre deux vallées,
ceint d'épais remparts armés aux angles de tourelles,
constituait une forteresse d'une puissance sérieuse.
Une Agglomération se fonde.
Peu à peu, attirés par la sécurité
qu'il assurait dans le pays, les sujets de la Seigneurie
construisirent dans l'enceinte des habitations disséminés,
sans ordre, à l'ombre des tours féodales... Une chapelle
sous le vocable de sainte Catherine existait pour le service
religieux des châtelains, de la domesticité, des défenseurs
et des habitants. L'histoire attribue la construction à un
comte du Poher. Placé sous la mouvance du château de
Carhaix, le château de Callac partagea avec ce dernier ses
vicissitudes durant les guerres de Blois et de Montfort.
Assiégé en 1341, 1342, 1345, il fut tour à tour pris et
repris par les soldats des deux compétiteurs au Duché de
Bretagne.
Tout porte même à croire, qu'en 1363, pendant le siège de
Carhaix par Du Guesclin à la tête de l'armée de Charles
de Blois, il eut à subir l'assaut du redoutable homme de
guerre. En fin le château de Callac, après avoir subi
plusieurs sièges, fut condamné à être démoli par ordre
du roi en 1393.
L'Agonie de la Forteresse.
La guerre et, en 1393, les démolisseurs
patentés du roi, avaient porté la démolition sur le
sommet où se dressait la forteresse. Le château moyenâgeux
démantelé de ses tours et de ses créneaux, dressa
quelques temps ses ruines éloquentes au milieu de la
solitude, au-dessus de la riante vallée de l'Hyères aux
capricieux méandres qui avait repris largement son libre
cours.
On ne reste pas éternellement sur ses ruines, on les relève,
on ne tarda pas à rendre à cette demeure féodale, en
partie du moins, sa force et sa puissance de jadis.
Mais moins de 80 ans plus tard (1551), le vieux castel était
de nouveau démantelé. En 1584, les Bénédictins de
l'abbaye de Quimperlé devinrent les seigneurs des terres de
Callac. Ceux-ci trouvèrent le château dans un état de délabrement
complet et que les ravages du temps accentuaient chaque
jour. Les Religieux étant à bout de ressources pour une
restauration, recourent aux expédients, puis prennent le
parti en 1589, de couvrir de genêts le château et imposent
à cet effet des corvées à leurs vassaux. C'est l'agonie
qui commence pour la vieille forteresse.
Durant les guerres de la Ligue pourtant, le puissant géant
de pierres projettera encore autour de lui quelques lueurs
belliqueuses. Tour à tour, il entendra retentir les
clameurs des hommes de guerre montant à l'assaut, ou
abritera derrière ses remparts des bandes de pillards qui
s'en sont emparés pour en faire leur quartier général et
l'entrepôt de leurs vols et rapines...En 1592,quelques gens
de guerre se disant du parti du roi, s'étaient fortifiés
dans les ruines du château de Callac, d'où ils ravageaient
les communes voisines.
Le général espagnol Don Juan d'Aguila, après la prise de
Rostrenen résolut d'en purger le pays. Dès qu'ils se
voient assiégés dans leur repaire, ils ne tardent pas à
se rendre. Les fortifications qu'ils y avaient faites,
furent détruites pour ne donner occasion à d'autres de s'y
loger.
La Garnison.
Il paraît que les mesures
prises par le général espagnol eurent peu d'effet, car
nous voyons, dès le mois de septembre de cette même année
1592, le château de Callac occupé par des bandes de
ligueurs sous les ordres du capitaine DU MAS, vivant de
pilleries comme leurs devanciers. D'autres leurs succédèrent
jusqu'au mois de décembre 1597, époque à laquelle les
soudards de M. de la Rivière y tenaient garnison. Le sieur
De Bougerel, lieutenant de La Fontenelle s'y était logé en
1595, et son séjour dans cette place fut l'occasion du
curieux document qui suit. Pour en faciliter la compréhension
à nos lecteurs, nous reproduirons dans le langage courant,
le texte du XVI° siècle : "Le sieur de Bougerel,
lieutenant du sieur de la Fontenelle sur ses chevau-légers,
commandant en son absence les villes et château de Callac.
Nous défendons à tout soldat de quelque qualité ou
condition qu'il soit, de s'aboucher avec l'ennemi, sans
avertir son chef, sous peine de mort.
Nous défendons aussi à tout soldat de partir en guerre
sans l'autorisation de son chef, sous peine d'être passé
par les armes.
Il
est défendu à tout soldat de se loger plus loin qu'une
portée de canon du dit château de Callac, sous peine d'être
puni à la discrétion de son chef.
Nous enjoignons aussi aux soldats factionnaires de
s'acquitter de leur devoir de garde sous peine d'être punis
à la discrétion de leurs dits chefs.
Défendons à tous les habitants et paysans de retenir les
soldats sans avertir le dit chef, sous les mêmes peines que
ci-dessus.
Il est défendu aux soldats de toucher aux dits paysans ou
autres, le jour du marché ni autres jours, dans la ville de
Callac sans permission dudit chef sous peine d'être punis
à la discrétion dudit chef.
De plus, nous enjoignons à tous ceux faisant état de tenir
taverne ou hostellerie en cette ville, d'être toujours
garnis et pourvus de tous les vivres requis pour la munition
des soldats et autres sous peine
d'être punis à la discrétion dudit seigneur, avec
commandement exprès aux soldats et autres de vivre en bonne
intelligence avec les dits hôtes sous peine d'être punis
à la discrétion.
De même,
commandons aux habitants de cette ville et pays
circonvoisins de ne receler aucun prisonnier, ni suspect à
notre garnison, sous peine d'être punis à la discrétion
du seigneur.
De même, commandons à tous les boulangers et autres
marchands trafiquant en quelque sorte de marchandises que ce
soit, de faire juste prix et livraison de leurs
marchandises, sous peine de confiscation de leurs
marchandises.
De même, il est défendu à tout soldat de s'accommoder en
leur logement en dehors de la discrétion et permission de
leur chef sans étiquette, seulement de leur coucher, feu et
litière pour leurs chevaux sous peine d'être punis à la
discrétion de leur chef.
Signé : BOURGEREL.
Par commandement du sieur.
Signé : M. MEVEL."
Cet acte touchant la guerre et la place de Callac est
vraiment plein d'intérêt et de saveur.
Voué
à la Destruction
Désormais, l'antique château
fort du XII° siècle, plusieurs fois assiégé, ruiné, réparé,
ou reconstruit, est voué à la destruction irrémédiable.
Par lettre patente du Roi et un arrêt de la Cour de Paris
en date du 14° jour 1619 sa démolition est ordonnée. Quel
fût l'instigateur de cette mesure suprême ? Serait-ce
Richelieu, comme on serait porté à le croire de prime
abord. Nous ne le pensons pas.
Sans doute à cette date, Richelieu, grâce à la protection
de Maris de Médicis, était membre du Conseil de la Régence,
mais en quoi le château de Callac, déjà ruineux, avec son
seigneur, favori de la Cour, pouvait-il porter ombrage à la
puissance et à l'autorité royale ? D'ailleurs, ce n'est
que quelques années plus tard, à partir de 1624, quand
Richelieu devint, après une disgrâce momentanée, premier
ministre de Louis XIII, qu'il s'employa à obtenir le
rasement des villes et châteaux fortifiés non situés sur
la frontière, et qu'il fit perdre à la France, aspect
qu'elle avait gardé depuis le temps où des milliers de châteaux
hérissant la plaine et la montagne, symbolisant le
morcellement du pays en une multitude de seigneuries indépendantes.
Le vrai motif de cette démolition en 1619, fut donc, à
n'en pas douter, la pauvreté des Religieux de Sainte Croix,
et, par suite, le manque de ressources pour un entretien désormais
sans objet et devenu onéreux.
Mis en vente et Éparpillement des
Matériaux
Aussi, c'est à la requête de
henry de Gondi, cardinal de Retz, pour lors abbé
commendataire de l'abbaye de Sainte Croix de Quimperlé et
seigneur de Callac, qu'eut lieu l'adjudication des matériaux
du château. Selon la teneur de la requête, elle devait être
consentie en faveur du plus offrant et dernier enchérisseur.
Au mois d'août, la vente est annoncée par ban public à
l'issue de la messe dite et célébrée en l'église de
Botmel et à la porte principale de la dite église par les
soins de Claude Tannou et Claude Roy, de la trêve de
Botmel. Elle fut également publiée et affichée à
Guingamp, Carhaix, Morlaix Plougonver et Plusquellec.
L'adjudication est fixée au 13° jour d'octobre de cette même
année. Elle a lieu à l'audience des causes ordinaires de
la Cour et siège royal de Carhaix. Un habitant de Quimperlé
propose par procuration la somme de 800 livres monnaies. Il
est dressé sur le champ acte de l'offre.
Cette première adjudication n'étant pas définitive fut
suivie d'une seconde, le lundi 26 octobre 1619 et dans
laquelle Étienne Briant de la ville de Quimperlé, ayant
pour procureur M. Louis Le Goffgall, est déclaré
adjudicataire pour la somme e1.500 livres, sous réserve
d'une quantité suffisante de pierres pour le moulin du
Quinquis[2] et le moulin à tan de Callac;
C'est ainsi que le château devenu l'image de la cité
pendant des siècles où chaque âge, selon les besoins et
les nécessités, y avait ajouté quelque chose, fut condamné
à disparaître.
A l'agonie, succède le dépècement.
L'acquéreur se met à disséquer et à revendre par
lambeaux, pour rentrer dans ses frais, tout ce qui pouvait
être vendu. L'opération paraît-il, constitua pour lui une
recette des plus fructueuses. Il se débarrassa des décombres
par lopins, détailla le château comme matériaux de
construction à tant le tombereau, brocanta les pierres au
marché de la Halle à Callac. La vieille forteresse se vit
bientôt transformée en une carrière, dont l'exploitation,
tout d'abord intense, ne dura pas moins de 25 ans. Elle
prodigua ses pierres de taille pour des travaux de l'église
de Botmel, pour la tour de la chapelle sainte Catherine,
pour les chaussées du moulin de Callac, du Quinquis et de
Kerdréquen.
Le reste des matériaux est acheté par des particuliers
jusqu'à l'épuisement total qui n'arriva que vers 1744.
C'est ainsi que s'en allèrent en ruine et par intermittence
sur les charrettes de nos bons paysans, six siècles
d'histoire locale.
Signé : Yves Le Roc'h.
OUEST-FRANCE - Mars 1949.
Notes.
[1) En 1982, le jardin de Mme Alice Le Houérou-Kérisel, née
Guiot(propriété André Connan) est devenue propriété bâtie
de M. et Mme Francis Bocher.
L'ancienne propriété des dames Delafargue forme le garage
et ses dépendances de M. et Mme Paul Prigent, rue des
Martyrs et venelle du moulin.
Le "Kleun-Meur" s'étendant de la maison Bihan
jusqu'en face de la perception concerne maintenant : la
maison de M. et Mme Adolphe Le Bihan et M. et Mme Paul Le Huérou,
rue du Cleumeur et la propriété de M. et Mme François Le
Diraison, rue des Martyrs.
[2] Quinquis, enclos de branchage ou plessis (devenu
Moulin du Plessis)
Rapporté par J. Lohou(sept. 2005)(Mise à jour 1er Déc.2010-mai2017)