Callac-de-Bretagne

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ÇA DEVAIT ARRIVER un jour !

 

 

Les Européens deviennent de vrais sybarites dans le reniement et l'autodestruction de leurs usages traditionnels. Une équipe de psychologues de l'université du Surrey, en Angleterre, a « découvert» que l'habitude d'écrire « Monsieur, Madame» en tête d'une lettre est chargée d'un mauvais relent sexiste venu des siècles révolus.

 

Le fait même de nommer un être masculin d'abord dans un couple paraît une grosse atteinte à l'égalité des sexes. Ils accusent Shakespeare lui-même d'avoir donné le mauvais ton en écrivant son funeste Roméo et Juliette, plutôt" que « Juliette et Roméo ».

 

Eh oui, sous quelle influence pernicieuse disons-nous toujours Antoine et Cléopâtre, au lieu de Cléopâtre et Antoine? 
Ces habitudes de longtemps implantées ne sont pas neutres; nous disons Samson et Dalila, et surtout, the last but not the least, Adam et Ève!...

 

Sexisme odieux! clame le professeur Peter Hegarty qui a dirigé les "recherches: « Comme cela est le résidu de la grammaire sexiste du XVIe siècle, il semble que nous soyons toujours sexistes dans nos façons d'écrire. »

 

Ah mince, alors! Mais si nous placions systématiquement la femme d'abord, ne nous accuserait -on pas de galanterie malsaine, voire de discrimination positive et machiste ? Les mêmes sources suggèrent que les couples homosexuels sont, eux aussi, frappés par les histoires de préséance, et que l'on accorde inconsciemment des valeurs viriles à celui des deux qui est nommé le premier. Cela demande réflexion: doit-on, selon ce code, faire une distinction entre nos Jules et Jim ? Entre Bouvard et Pécuchet ?

 

Oui, mais on dit, il me semble, lorsqu'on s'adresse à une foule mixte: « Mesdames et Messieurs », et en anglais pareillement « Ladies and Gentlemen». Le général de Gaulle, précurseur en tout, avait senti le vent de la modernité avant tout le monde: il ouvrait ses allocutions à la télévision par un retentissement

« Françaises, Français » ••.

 

Et doit-on voir un résidu de vieille galanterie gaélique dans notre évocation coutumière ci' Héloïse et Abélard?

Ou bien faut-il faire appel à des raisons cachées d'euphonie? Parce que « Abélard et Héloïse» coule moins bien cause du hiatus é-é moins heureux que la liaison Ioïzé - ou peut-être cet ordre reflète - t - il la teneur de l'histoire qui fait d'Héloïse l'héroïne du couple et d'Abélard un être amoindri?

 

En tout cas, nous avons Paul et Virginie, et il existait jadis un livre de lecture pour les enfants des écoles qui s'appelait Rémi et Colette - encore une histoire!

 

Si le professeur Hegarty étend

son enquête à l'Europe, nous allons avoir de la culpabilité dans l'air !


 

Claude Duneton (Le Figaro Littéraire)

 

 
                                                        
Joseph Lohou(mars 2010)

 

© Tous Droits Réservés (Joseph Lohou)