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Les Côtes-du-Nord en 1836 par François Marie HABASQUE
HISTOIRE
Les Curiosolites et les Ambiliates étaient, à
l'époque de la guerre de l'Armorique contre César, les peuplades
principales habitant le territoire qui forme aujourd'hui le département
des Côtes-du-Nord. -- Ce pays, compris dans la troisième Lyonnaise, fit
ensuite partie de la Bretagne, suivit toutes les vicissitudes de cette
grande province, et fut avec elle réuni à la France. -- Il avait eu à
souffrir beaucoup pendant les guerres de la ligue, mais depuis sa
réunion, jusqu'en 1758, il jouit d'une tranquillité profonde. A cette
époque les Anglais débarquèrent sur la Côte de Saint-Cast et jetèrent
l'alarme dans la Bretagne ; mais huit jours après ils furent forcés de
regagner honteusement leurs vaisseaux. -- Pendant la Révolution, le
département prit peu de part à la guerre civile ; ce fut néanmoins sur
son territoire que se livra le combat où fut tué, en 1795, lors de
l'expédition de Quiberon, le chevalier de Tinteniac, commandant une
division de l'armée rouge, c'est-à-dire de paysans bretons qu'on avait
revêtus de costumes anglais.
ANTIQUITÉS
Les antiquités druidiques des Côtes-du-Nord ne sont
ni aussi considérables, ni aussi multipliées que celles du Finistère et
du Morbihan. On y voit des peulwens, des dolmens, des pierres
branlantes, des tumulus, etc. -- Nous nous bornerons à citer la pierre
branlante de l'île de Bréhat et le tumulus de Lancerf.
Le département renferme les ruines de deux villes
antiques, Corseul, capitale de Curiosolites, qui existait à peu de
distance de Dinan ; et Rhéginea, port romain dont on voit des traces à
Erquy, près de Lamballe. -- Corseul était une ville importante où
aboutissaient quatre voies romaines. De nombreux débris, témoignent de
son ancienne grandeur, notamment les ruines d'un temple octogone que
quelques auteurs ont cru être le fanum Martis, dont il est question
dans la table théodosienne. Outre des tombeaux renfermant des ossements
d'une grande dimension, on y a découvert du verre à vitres, et, ce qui
doit paraître plus curieux, une espèce de pipe en terre rouge, qui
semblerait prouver que quoique les anciens Gaulois ne connussent pas le
tabac, ils avaient l'usage de fumer quelques plantes fortes âcres et
aromatiques. -- Les antiquités d'Erquy se bornent à quelques murs
ruinés, à des médailles effacées, et à une mosaïque assez bien
conservée. -- En 1808 et en 1824, la mer a laissé à découvert sur la
plage de Binic, les restes d'un ancien édifice de 80 pieds de long, sur
40 de large, dans ses murailles, que quelques savants du pays croient
de construction antique, on a recueilli environ 200 médailles des
empereurs romains et quelques monnaies espagnoles à l'effigie de
Charles-Quint. -- C'est près de là, à Pordic, qu'existe le camp romain,
vulgairement appelé camp de César. -- L'espace nous manquerait pour
signaler les vieux châteaux féodaux, les nombreuses églises antiques et
les vieilles abbayes (presque toutes fondées par des saints Bretons)
qui existent dans le pays ; mais nous mentionnerons un monument célèbre
dont l'antiquité et la destination sont depuis longtemps l'objet des
controverses des savants. Le temple de Lanleff, qui sert aujourd'hui de
vestibule à l'église du lieu, est un édifice circulaire à double
enceinte concentrique, dont l'une est en partie détruite. -- L'enceinte
intérieure, de 30 pieds de diamètre, est percée de douze arcades
voûtées en plein cintre et décorées de pilastres. -- Ces arcades sont
d'une largeur inégale et varient de 5 pieds à 5 pieds 9 pouces. Douze
colonnes de grandeurs diverses sont adossées à la muraille, une entre
chaque arcade ; les plus petites au nombre de huit, ont 8 pieds et
quelques pouces de haut y compris les chapiteaux et les soubassements ;
les quatre plus grandes sont hautes de 15 pieds sans chapiteaux et
placées aux quatre points cardinaux. L'enceinte extérieure, située à 9
pieds de l'autre, présente aussi douze colonnes qui paraissent avoir
soutenu une voûte à clef. -- Il ne reste qu'un tiers de cette voûte,
c'est la partie située du côté de l'église. Deux arcades voisines de la
porte, fermées par une maçonnerie, forment aujourd'hui la sacristie :
une autre sert à soutenir l'escalier du clocher ; enfin une quatrième a
été convertie en chapelle. Entre les colonnes qui soutiennent la voûte
et en face des grandes arcades sont douze fenêtres décorées de colonnes
et construites comme les meurtrières des anciennes fortifications.
Au-dessus de chaque couple d'arcades se trouve une grande ouverture
cintrée par en haut. L'enceinte du temple a été couverte ; on aperçoit
encore les traces de l'endroit où le toit s'appuyait, il n'y avait
qu'une seule porte d'entrée, voûtée en plein cintre et large de 10
pieds sur 13 de hauteur ; elle est située du côté de l'orient. --
L'église est construite en granit rouge et gris, qui a de l'analogie
avec le pouding siliceux. -- L'intérieur du monument a été garni d'un
pavé ; on en trouve quelques fragments entre les arcades et l'enceinte
extérieure. -- La maçonnerie est par assises régulières jusqu'au-dessus
des arcades. Le reste est composé de pierres de dimensions différentes.
-- L'architecture est un mélange grossier d'ordre toscan et d'ordre
gothique. Les ornements des chapiteaux et les socles des colonnes ne
sont ni de la même forme ni de la même grandeur. Les chapiteaux
représentent des pommes de pin. Ils sont surmontés d'un listel et d'une
volute peu saillants, représentant par le profil diverses têtes de
bélier. -- On remarque, sur les chapiteaux des colonnes qui soutiennent
le plein cintre de l'arcade intérieure qui fait face à la porte deux
bas-reliefs, l'un sur la colonne du côté du midi, représentant deux
béliers superposés, l'autre sur la colonne du nord offrant un cercle
rayonnant, image grossière du soleil. -- Un if majestueux, planté dans
l'enceinte intérieure (qui sert de cimetière à la commune), a cru au
centre du monument qu'il domine aujourd'hui de son feuillage et auquel
il forme un dôme pittoresque.
Les savants bretons sont loin d'être d'accord sur le
monument de Lanleff: les uns y voient un ancien temple armoricain, les
autres une construction romaine consacrée au culte du soleil 1 (*) ;
quelques-uns un ancien hôpital pour les pèlerins revenant de la terre
sainte, ceux-ci une église bâtie par les templiers, ceux-là lin
baptistaire des chrétiens primitifs. Nous ne nous hasarderons pas à
décider la question.
CARACTÈRE, MŒURS, ETC.
Les habitants des villes, dans le département des
Côtes-du-Nord, ont des mœurs simples et faciles. Ils sont affables et
prévenants avec les étrangers, intelligents, actifs et industrieux.
Doués d'aptitude pour les sciences et les lettres, ils attachent de
l'importance à les cultiver, et ils sont généralement plus instruits
qu'on ne pourrait le supposer, d'après la situation reculée de leur
département.
Les habitants des campagnes diffèrent en plusieurs
points de ceux des villes. La complexion du paysan bas-breton est forte
et nerveuse, il a la stature épaisse et courte, la poitrine ouverte,
les épaules larges, les traits mâles et le regard assuré. Ses dents
sont blanches, son teint est brun, sa chevelure noire et sa barbe
fournie, -- Il a naturellement le caractère impétueux et les passions
violentes. L'usage des liqueurs fortes et l'ivrognerie à laquelle il
est enclin, augmentent la fureur de ses emportements. On a remarqué que
dans les querelles, le Bas-Breton, semblable au taureau, lutte et
frappe violemment avec la tête. Il a d'ailleurs des qualités réelles ;
il est franc et loyal, charitable et hospitalier, réservé, grave et
patient. -- On reproche aux paysans bretons un entêtement opiniâtre,
une indolence apathique, une curiosité irréfléchie et une crédulité
parfois trop naïve. -- Leur humeur est généralement mélancolique, mais
ils ont généralement une imagination vive et poétique, et une sorte
d'éloquence naturelle, chaleureuse et persuasive. -- Malgré la rudesse
extérieure et une brusquerie souvent excessive, le fond du caractère du
Breton est la bonté et la sensibilité. Il aime son pays avec passion et
languit quand il en est éloigné. L'attachement qu'il a pour son village
et pour sa famille quelle que soit l'insensibilité apparente qu'il
témoigne dans les relations domestiques, ne peut être comparé qu'à
celui qu'il porte à la religion de ses pères. Il est dévot et
superstitieux. Les prêtres excellents en Bretagne une grande influence,
et cela se conçoit facilement : le curé d'un village parle la même
langue que ses paroissiens, a les mêmes goûts et mène comme eux une vie
rude très sévère. -- Le Bas-Breton nourrit une haine héréditaire pour
les Anglais, anciens ennemis de son pays. Il déteste les Normands,
actifs et astucieux, qui, grâce à une activité soutenue, se sont
emparés du commerce de la Bretagne ; enfin il considère à peine comme
des compatriotes les Français qui ne parlent pas sa langue.
Les paysans bretons ont un langage emphatique et
solennel ; ils entremêlent leurs discours de proverbes et de passages
de l'Ecriture sainte. La Bible est presque le seul livre de ceux qui
savent lire. Une économie poussée jusqu'à l'avarice est assez commune
chez les cultivateurs. Quelle que soit leur richesse, et il en est qui
possèdent 15 000 francs de rentes, leur manière de vivre, grossière et
frugale, est la même que celle des plus pauvres. Ils mangent de la
viande deux ou trois fois par semaine. Leurs autres repas se composent
de bouillie, de crêpes, de galette, de pain de seigle ou d'orge, point
de légumes frais, jamais de poisson, excepté quelques livres de morue
pendant le carême. -- Le vin est un luxe qu'ils ne se permettent qu'au
cabaret, mais alors ils en boivent avec excès.
MARIAGES.
-- Le mariage, suivant les localités, est accompagné, en
Basse-Bretagne, de cérémonies et d'usages qui remontent à une haute
antiquité. -- A l'île-aux-Moines, ce sont les filles qui demandent les
garçons en mariage. -- Ailleurs, le jeune époux doit enlever sa fiancée
après l'avoir fait longtemps demander par une espèce de barde ou de
poète que l'on nomme discoureur. -- Ailleurs encore, et alors même que
le mariage est convenu, la jeune fille ne sort de la maison paternelle,
pour aller à l'église, que lorsque deux chanteurs parlant en vers, l'un
au nom de l'époux, et l'autre au nom de la famille de la fiancée, ont
fait longtemps assaut d'esprit pour l'obtenir et pour la refuser. Le
poème de Marie présente une agréable peinture de cette lutte poétique.
-- Quelquefois avant de s'engager, les grands parents se visitent
réciproquement pour examiner leur avoir-mobilier. Cette entrevue
intéressée s'appelle ar weladen, la revue. Quelques écus de plus ou de
moins suffisent dans ce cas pour faire rompre l'union la mieux
assortie. -- Dans plusieurs communes, la jeune épouse paraît à l'église
avec les habits de sa grand'mère ou de sa bisaïeule ; ce sont des
vêtements riches et éclatants qui ne servent que dans de rares
occasions ; on se les transmet de génération en génération. -- Une
coutume touchante et assez généralement répandue dans les
Côtes-du-Nord, c'est de faire célébrer, le lendemain du mariage, un
service solennel en l'honneur des parents qu'on a perdus.
UNE NOCE.
-- Dans un grand nombre de communes on ne s'occupe de mariages qu'à
l'approche des fêtes de Noël, pourvu toutefois que la récolte des
pommes ait été abondante ; car si le cidre manque, tout est ajourné à
l'année suivante. L'amour ne joue aucun rôle dans toutes ces unions. Il
n'est pas même d'usage que ce soient les parents qui s'en occupent. Un
ami ne se hasarderait jamais à offrir à son ami d'unir leurs enfants,
quels qu'en fussent d'ailleurs leurs désirs mutuels. -- Des
entremetteurs banaux, le plus souvent des tailleurs, négocient les
mariages. Une entrevue a lieu dans un cabaret du bourg voisin. --
Le jeune homme et la jeune fille y assistent, mais ce sont les pères
seuls qui décident. -- Après avoir préalablement bu quelques rasades,
on s'occupe de l'objet de la réunion, et comme le mariage est devenu un
simple marché, il ne faut pour le décider guère plus de paroles que
pour la vente d'un cheval ou l'achat d'une paire de bœufs. Quand les
chefs des deux familles se sont frappés la main, la séance est levée ;
les deux accordés qui, peut-être, ne s'étaient jamais vus et ne se sont
pas dit quatre mots pendant la discussion qui vient de décider de leur
sort, suivent leurs parents à la mairie et à la sacristie, afin d'y
arrêter les fiançailles. -- Un mois après ils reviennent au bourg,
accompagnés seulement des témoins nécessaires, y contractent le mariage
civil, et se séparent souvent ensuite pour ne plus se revoir qu'à
l'époque de la cérémonie religieuse. -- Cependant on invite pour
les noces trois ou quatre cents parents, amis et connaissances, et si
on ne veut pas sacrifier une paire de bœufs, on traite avec le boucher
pour un certain nombre de quintaux de viande, et avec un boulanger pour
quelques voitures de pain de pur froment. Chaque famille doit en outre
fournir une quantité de pain de seigle. On tue trois ou quatre porcs
gras, une douzaine de veaux. -- Vingt ou trente barriques de fort cidre
sont disposés pour le festin. -- Toutes les pièces de la maison et de
celle du voisin, les granges, les hangars et souvent les étables, sont
transformés en salles de banquets. -- On va en cérémonie chez les plus
proches parents de la famille ou chez les individus les plus considérés
des lieux, pour leur offrir les fonctions honorifiques, mais
accablantes qu'ils auront à remplir pendant la durée de la fête. --
L'un apprend avec orgueil qu'il a été préféré aux principaux notables
de la paroisse, et quelquefois même au maire, pour être le cuisinier,
L'autre se réjouit d'être chargé, pendant deux jours et deux nuits du
fatigant office d'échanson. Celui-ci doit être le rend maître des
cérémonies. Celui-là promet de remplir de son mieux la charge honorée
de bouffon ; tous les quatre reçoivent pour marque distinctive un nœud
de rubans qu'ils porteront attaché à l'épaule. -- Enfin le grand jour
arrive. Dès le matin les invités se hâtent d'accourir. Chaque chef de
famille dépose entre les mains du cuisinier la longe de veau qu'il
offre pour cadeau de noces, et l'aînée de ses filles présente à la
femme chargée de la police féminine, l'écuelle de beurre frais dont
elle fait hommage. -- Arrive enfin l'époux escorté de ses proches et de
son garçon d'honneur, porteur du panier où est contenu une partie du
trousseau. Il salue l'assemblée, dont chaque membre l'embrasse ; puis
il offre une ceinture en ruban moiré d'or à sa compagne future. Chaque
garçon s'empresse d'en présenter une pareille, ou moins riche, a la
fille qu'il préfère, et qui contracte, en la recevant, l'obligation de
danser avec lui. -- On part pour l'église. La cérémonie nuptiale a
lieu. -- Dès que la mousqueterie et des cris sauvages annoncent
le retour de la noce, les vieillards et les enfants, restés au logis,
s'avancent sur la pelouse, à l'entrée du village, où est dressée une
table sur laquelle se trouvent un pain de froment, une moche de beurre,
du cidre et un verre. Le maître des cérémonies rompt ce pain et en
offre un morceau au mari, qui en donne la moitié à sa nouvelle
compagne. Ensuite l'échanson présente à celle-ci un verre de cidre
qu'elle effleure de ses lèvres et qu'achève d'un trait le mari. Tous
les invités boivent à la santé et au bonheur des nouveaux mariés. --
C'est au milieu de leurs vœux bruyants, au son éclatant des hautbois et
des bignoux, et précédé des quatre grands officiers de la noce, que le
couple nouveau rentre dans le village et va s'asseoir enfin au festin
nuptial. Le premier service se compose de plats copieux, de soupe, de
bœuf et de lard. Au second et au troisième paraissent d'énormes pièces
de viandes bouillies, et le sel qui doit leur servir d'assaisonnement.
A l'issue du repas, les mariés vont visiter les mendiants rangés et
assis au dehors, souvent au nombre de 2 à 300, et qui ont en aussi leur
part du festin Ils choisissent parmi eux un homme et une femme avec
lesquels ils commencent la danse par une ronde qui devient bientôt
générale ; à cette ronde succède une vive promenade circulaire,
suspendue, au milieu de chaque strophe de l'air qui l'accompagne, par
des pas cadencés et par un bond qui termine la mesure ; les danseurs
sont divisés par couples, c'est ce qu'on appelle le bal. -- Au coucher
du soleil on sert le souper uniquement composé des énormes quartiers de
veau apportés en présent, arrosés par d'abondantes libations de cidre.
Puis on danse jusqu'à ce qu'enfin on conduise le mari auprès de sa
femme qui l'attend dans le lit nuptial, la face collée contre la
muraille et revêtue d'un nouvel habillement complet. On y pousse le
mari sans lui permettre de se déshabiller, et aussitôt, assailli par
ses proches et ses amis, il reçoit et leur rend leurs accolades, et
répond, tant qu'il lui est possible, aux toasts qu'ils lui portent :
ils ne le quittent que lorsque épuisé de fatigue et succombant à son
ivresse, ils l'ont vu s'endormir et ronfler adossé à la jeune mariée.
-- Dans plusieurs communes, l'épouse est confiée pendant la première
nuit à la surveillance du garçon et de la fille d'honneur, qui se
couchent tous les deux entièrement vêtus entre le nouveau couple. - La
noce dure quatre jours. -- Le quatrième, le mari et sa femme ne
paraissent pas à table et y servent, à leur tour, les dignitaires
harassés qui prennent leur revanche. Le cinquième jour au matin tout
est rentré dans l'ordre. Les familles des nouveaux mariés règlent la
part que chacune d'elles doit supporter dans la dépense commune qui,
lorsqu'elles ont de l'aisance s'élève souvent de 1,500 à 2,000 francs.
-- Tout terminé et balancé à un centime près, la jeune femme quitte la
maison paternelle.
CONDITIONS DES FEMMES.
-- " Les femmes (dit M. Habasque) ne tiennent, dans les campagnes
de la Basse-Bretagne, qu'un rang, secondaire. Elles servent leur mari à
table et ne lui parlent jamais qu'avec respect. Dans les familles peu
riches, elles travaillent aux champs et se livrent à tous les travaux
pénibles Elles ne sont point jolies, leurs traits sont sans
délicatesse, leurs vêtements sont lourds et ne laissent entrevoir
aucune forme. -- C'est une beauté d'avoir le teint rouge et animé. -
Dans quelques localités, les jeunes filles coquettes se graissent le
front pour l'avoir luisant. -- En Basse-Bretagne, comme en Angleterre
les jeunes filles jouissent d'une grande liberté. Elles courent le jour
et la nuit avec les jeunes gens, sans qu'il en ait longtemps résulté
aucun désordre apparent. Les mœurs commencent à être plus relâchées
depuis quelques années. Les pileries de lin, la fenaison, les travaux
de la moisson réunissent les jeunes gens des deux sexes. Ils se
rencontrent aussi aux fileries ou veillées nôzveziou. "
COSTUMES.
Les vêtements du paysan riche ne diffèrent de ceux
du paysan pauvre que par l'étoffe. Ceux du premier sont ce drap, et
ceux du second en toile, hiver comme été. Le cultivateur riche porte
des souliers, et le cultivateur pauvre, quand il ne va pas nu-pieds, ne
se sert que de sabots. Le riche a en outre des guêtres de cuir retenues
par des boucles en cuivre. Il se couvre dans le mauvais temps d'un
manteau bleu ou brun. Les femmes riches et pauvres ont des mantelets à
capuchons, nommés en breton joubelinen, et dont l'étoffe varie, suivant
le plus ou moins d'aisance de celles qui les portent. -- Un luxe qui
s'est introduit depuis quelques années chez les paysans aisés, est
l'usage d'une montre d'argent. Une montre est la première demande que
fait un conscrit remplaçant.
LANGAGE.
Le langage brezounecq, vulgairement nommé
bas-breton, est la langue nationale de plus de l, 100,000 habitants sur
les 1, 556,790 qui composent la population des départements du
Morbiban, du Finistère et des Côtes-du-Nord 2 (*). Cette langue est
considérée par les savants de la Bretagne comme l'ancienne langue
celtique. Elle a beaucoup plus de ressemblance avec le gaélique
d'Irlande (irlandais) et le gaelig de la Haute-Ecosse (erse), qu'avec
le cymraëg du pays de Galles (gallois) Les Bretons qui la parlent
sont appelés Bretous-bretonnans. -- Cette langue est la seule dont on
se serve dans les campagnes ; tous les habitants des villes la parlent
et la comprennent, excepté peut-être ceux de Bre5r, où elle est
étrangère à une grande partie de la population. -- La langue brezounecq
se divise en quatre dialectes principaux : ceux de Léon et de Tréguier,
qui ont entre eux beaucoup de rapport ; ceux de la Cornouailles
(Quimper-Corentin} et de Vannes, dont la différence avec les deux
premiers est telle, qu'un Léonais se fait difficilement comprendre dans
la Cornouaille, et qu'il n'est pas du tout compris dans le Morbihan. --
Cette différence, toutefois, existe plutôt dans la prononciation que
dans les termes ; car M. Habasque, auquel nous empruntons une partie de
ces détails sur le brezounecq, assure qu'après un mois de fréquentation
il est facile à un habitant de Léon ou de Tréguier de causer avec un
Vannetais sur tous les sujets possibles. -- Le dialecte léonais qui ne
renferme qu'un petit nombre de mots bretonnisés, et dont la
prononciation est douce et rarement gutturale, passe pour le meilleur
des quatre dialectes. La langue bretonne quoique pauvre, a de la force
et de l'énergie, parfois de la grâce et de la douceur. Elle possède des
tours et des locutions agréables. -- Au désir de vous revoir ; -- Au
regret de vous quitter, sont des termes d'adieux employés dans lai
campagnes. Quand le temps est beau les paysans disent E bad é beva
hirio. Il est doux de vivre aujourd'hui. -- Cette langue abonde en
termes qui expriment les opérations du labourage. -- Les mots nouveaux
dont elle s'augmente et qui indiquent des découvertes modernes y
passent avec leur signification primitive. On se contente d'en allonger
un peu la prononciation ou d'en changer légèrement la désinence, ainsi
de fusil on a fait fusil, et de sabre, sabren. -- La grammaire bretonne
est simple et peu comp1iquée ; les règles y sont en petit nombre. Les
noms n'y ont qu'un genre, ce qui explique pourquoi les Bretons qui
commencent à parler français disent un tille, une maison, le beau
jument, etc. ; les adjectifs sont invariables, et dans les verbes il
suffit de connaître la première personne de chaque temps, toutes les
autres étant les mêmes au singulier et au pluriel, et n'étant
distinguées que par le pronom personnel. -- L'orthographe de la langue
bretonne ne paraît pas être fixée d'une façon hors de toute
contestation, ce qui provient de ce que la plupart des monuments
littéraires de cette langue sont encore conservés par la tradition et
par la mémoire plutôt que par l'impression. -- Cette langue renferme
quelques syllabes och, ech, ach, dont la prononciation est gutturale et
doit être fortement aspirée. -- Les cultivateurs Bas-Bretons parlent
leur langage avec une grande pureté et observent scrupuleusement les
règles de leur syntaxe. Ils emploient toujours le mot propre et
raillent volontiers les habitants des villes qui prononcent mal ou se
servent de locutions vicieuses. Ainsi, en brezounecq, deux termes
signifient chemise ; l'un désigne celle de l'homme, l'autre celle de la
femme. Le citadin qui, ignorant cette différence, fait indistinctement
usage de l'un ou de l'autre, prête à rire au paysan. - La langue
brezounecq commence néanmoins à perdre de son empire. Avant la
Révolution, chaque paroisse renfermait au plus quatre ou cinq personnes
sachant le français. Aujourd'hui il n'y a pas d'enfant de cultivateur
aisé qui ne le parle ou ne le comprenne. Autrefois, dans les petites
villes, les ouvriers et les domestiques ne parlaient que le brezounecq
; maintenant ils se servent indistinctement de l'un ou de l'autre
idiome. -- L'ancienne littérature bretonne on celtique est considérée
comme à peu près nulle. -- Des ballades historiques, pareilles aux
fameuses romances espagnoles, des lais, des fabliaux, des romans de
chevalerie ont existé dans cette langue ; mais les seuls morceaux un
peu anciens qui aient été autrefois imprimés sont une Vie de Saint
Guignolé ; un petit drame, la Prise de Jérusalem par Titus ; et Les
Amourettes du vieillard, petite comédie dans laquelle le barbon
amoureux est berné et joué comme de coutume. Quant à la littérature
moderne, on y remarque quelques ouvrages ascétiques, pour la plupart
traduits du français, des cantiques où la beauté des images se joint à
la richesse de l'expression ; un poème de Michel Morin plein de verve
et d'originalité ; le roman des Quatre fils Aymon ; les Fables d'Esope
; les Lamentations de Jérémie, etc. -- La partie brillante de la
littérature bretonne est la chanson ; mai, ces poésies fugitives sont
rarement imprimées. On cite comme un chant véritablement populaire
celui qui commence par ces mots An ini Goz. On dit que dans les pays
étrangers il produit sur les soldats bretons le même effet que le Raez
des vaches sur les Suisses éloignés de leur patrie.
NOTES BIOGRAPHIQUES.
Nous avons eu de renseignements sur les limites
distingués qui appartiennent au département ; nous nous bornerons à
citer les suivants: Un savant érudit, le conventionnel Yves AUDREIN,
évêque constitutionnel du Finistère, qui vota la mort de Louis XVI et
défendit plus tard avec une chaleur courageuse sa fille, Marie-Thérèse
; le maréchal de BEAUMANOIR, vainqueur au glorieux combat des Trente ;
la famille de BOISGELIN, dont un des membres fut académicien et
cardinal ; deux braves marins, le capitaine de vaisseau BOURDÉ et le
contre-amiral LE BOZEC ; le savant LE BRIGANT, timide l'illustre Latour
d'Auvergne, et comme lui connu par ses recherches sur la langue
celtique ; un agronome habile, DE COURSON, fondateur du bel
établissement rural de Lysandre ; un antre agronome estimé, BARON DU
TAYA ; un savant jurisconsulte du XVIe siècle, François DOUARON, ami et
émule de Cujas un membre de l'Assemblée législative, LE DEIST DE
BOTIDOUX, auteur d'une traduction des Commentaires de César et de
recherches sur les Antiquités celtiques ; le franc et spirituel DUCLOS,
historien de Louis Xl, écrivain consciencieux et profond ; un
naturaliste distingué, FERRARY, chimiste habile, correspondant de
l'Académie royale de médecine ; le féroce EDER DE FONTENELLE, sieur de
Beaumanoir, un des chefs de la Ligue au XVe siècle, monstre qui dispute
à Gilles de Retz le titre de Barbe-Bleue ; l'auteur d'une Grammaire
générale estimée des savants, FROMAGET ; un de ces hommes qui font
honneur à l'humanité, le vertueux LA GARRAYE ; le général GAUTHIER,
mort glorieusement à Wagram ; un savant estimable, HABASQUE, auteur de
recherches curieuses intitulées Notions historiques, géographiques,
etc., sur les Côtes-du-Nord ; le grammairien JEGOU, littérateur
instruit dans la langue celtique ; le comte DE KERGARIOU, pair de
France sous Charles X, ancien préfet et membre de la Société royale des
Antiquaires ; LAGUYO-MARAIS, qui fut un des chefs de la fameuse
conspiration de la Rouairie ; le docteur LAVERGNE habile comme médecin,
comme chimiste et comme agronome ; un littérateur connu par ses
recherches sur la langue celtique, LEGONIDEC, auteur d'un Dictionnaire
breton-français, l'illustre MAHÉ DE LA BOURDONNAIS qui conquit Madras
sur les Anglais et qui administra si habilement Bourbon et l'île de
France 3(*) ; un naturaliste instruit, LE MAHOUT ; un homme vertueux et
modeste dont la vie fut pleines de bonnes œuvres ; fondateur de
l'institution de bienfaisance connue à Paris sous le nom d'Asyle royal
de la Providence ; l'ancien député NEEL DE LA VIGNE, qui a doté son
pays natal d'un grand nombre d'établissements utiles ; l'honorable et
vertueux DE QUELEN, archevêque de Paris ; le colonel REVEL, excellent
officier des armées de la République, mort au champ d'honneur ; le
carme TOUSSAINT DE SAINT-LUC, historien de Conan Mériadec et de
plusieurs des hommes célèbres de la Bretagne ; un saint breton, YVES
HELARY, homme éloquent et austère qui, dans le XIIIe siècle, fut
surnommé, l'avocat des pauvres ; etc.
TOPOGRAPHIE.
Le département des Côtes-du-Nord est un département
maritime, région du nord-ouest, formé de la Basse-Bretagne. -- Il a
pour limites : au nord, l'Océan ; à l'est, le département
d'llIe-et-Vilaine ; au sud, celui du Morbihan ; et à l'ouest, celui du
Finistère. -- Il tire son nom de sa position maritime sur la Manche,
qui baigne toute sa partie septentrionale. -- Sa superficie est de
701,231 arpents métriques d'après M. de Prony, et seulement de 644,300
d'après M. Habasque.
SOL. -- Le sol, engraissé par le goémon et les
autres plantes marines, se compose, jusqu'à trois lieues de distance
des côtes, de terres excellentes ; dans l'intérieur du département, la
superficie du terrain est une couche de terre à bruyères ou de landes
qui sont d'ailleurs assez fertile.
MONTAGNES. -- Le département est traversé de l'est à
l'ouest par la chaîne des Montagnes-Noires, dont le point culminant
dans les Côtes-du-Nord, est le Menez-Haut, qui a environ 340 mètres
d'élévation au-dessus du niveau de la mer.- Cette chaîne y forme deux
versants les eaux de l'un se jettent an nord, dans la Manche, et ceux
de l'autre au sud, dans l'Océan. Elle se ramifie en un grand nombre de
contreforts qui sillonnent le pays dans tous les sens.
FORÊTS. -- On compte dans le département 25 forêts
principales, où les essences dominantes sont le chêne, le hêtre, le
bouleau et diverses espèces d'arbres verts. -- Les plus considérables
parmi ces forêts, sont celles de Quenecan (4,000 hectares), de Loudéac
(3,800), de la Hunaudaie (3,000), et de Lorge (2,500).
CÔTES ET PORTS. -- Les côtes, déchirées par un grand
nombre de baies et creusées par l'embouchure de plusieurs rivières,
présentent un développement d'environ 245,000 mètres. Elles sont
généralement escarpées et défendues par des roches et des falaises
granitiques, au pied desquelles se trouvent dans certaines localités de
grandes surfaces de sable que l'Océan découvre à la marée basse. - Les
plages sont composées tantôt de sables fermes et solides, comme dans le
golfe de Saint-Brieuc, tantôt de sables mouvants et qui offrent des
dangers réels, comme la grève de Yaudet, près de Lannion. On trouve sur
les côtes du nord plusieurs ports de mer, dont les principaux sont le
Légué (port de Saint-Brieuc), Binic, Portrieux (Saint-Quay), Paimpol et
Tréguier.
ILES. -- La partie la plus septentrionale et
occidentale des côtes présente un grand nombre d'îles, dont les plus
remarquables sont celles de Goêlo, de Saint-Riom, de Bréhat, de Maudez
et le groupe dit des Sept-Iles.
RIVIERES. -- Aucune des rivières du département
n'est par elle-même navigable ; elles ne le deviennent qu'au bord de la
mer, à l'aide du flux seulement, et toutes, sauf la Rance, cessent de
l'être à la basse marée. Les principales sont : le Guer, le Guindy, le
Jaudy, le Trieux, le Leff, le Gouet, l'Esron, le Gouessant, l'Arguenon
et la Rance, qui coulent tous du sud an nord, et qui ont tout leur
cours dans le département ; l'Aven, le Blavet, l'Oust. Le Lié, et le
Men, Ont seulement leur source dans le département et se dirigent du
nord au sud. On évalue la longueur de la partie navigable des rivières
à environ 41,000 mètres.
CANAUX. -- Le département possède deux canaux. L'un,
celui du Blavet à l'Aulne, fait partie de la grande communication
projetée de Nantes à Brest ; l'autre, celui d'Ille-et-Rance, réunira
les deux versants de la Bretagne et doit avoir 80,796 mètres de
développement.
ROUTES. -- Depuis quelques années, l'administration
locale s'est beaucoup occupée de l'amélioration des communications
viables. La partie centrale du pays, et surtout l'arrondissement de
Loudéac, ont encore besoin qu'on y en ouvre de nouvelles ; néanmoins,
le département est traversé déjà par 6 routes royales, et compte 16
routes départementales outre nombre de chemins vicinaux bien entretenus.
METEOROLOGIE
CLIMAT. -- Le climat est doux et tempéré, mais
excessivement humide et sujet à de perpétuelles variations de
l'atmosphère.
VENT. -- Les vents dominants sont principalement des vents de nord et de nord-ouest.
MALADIES. -- Les maladies cutanées, parmi
lesquelles, parmi lesquelles la gale est en première ligne, sont les
affections scrofuleuses, catarrhales et rhumatismales sont les maladies
les plus communes. Les épidémies causent quelquefois d'assez grands
ravages. -- Le département est un de ceux où le choléra a sévi ; il y a
duré dix mois le nombre des malades s'est élevé à 3,584, et celui des
décès à 1,585. -- Les deux arrondissements les plus fortement atteints
ont été ceux de Saint-Brieuc et de Lannion. -- Saint-Brieuc a
compté 742 décès 1,229 malades ; Lannion 613 sur 1,477.
HISTOIRE NATURELLE.
RÈGNE ANIMAL. -- Les forêts abondent en animaux de
toute espèce ; on y trouve des loups, des renards, des blaireaux,
etc... Les chevreuils et les sangliers n'y sont pas rares. - Les
lièvres et les lapins sont très multipliés dans les plaines. On cite
les lapins des Sept-Îles, qui sont noirs pour la plupart et ont les
yeux rouges. Les hermines, les fouines et les belettes vivent dans le
voisinage des habitations ; un préjugé assez général parmi les paysans
fait croire qu'elles portent bonheur. - Le pays renferme un grand
nombre d'oiseaux de toute espèce. Parmi les oiseaux aquatiques et les
oiseaux de mer qui se montrent sur les côtes et dans les îles voisines,
on cite les pingouins, les goélands, les grèbes, les mauves, les
eiders, les cormorans, etc. Les plus remarquables sont les macareux ou
perroquets de mer, qui nichent sur les îlots déserts, et qui, comme les
canards tadornes, creusent dans la terre des trous pour y déposer leurs
œufs. - Les coquillages, les crustacées, les poulpes et les mollusques
sont très multipliés sur les rochers de la côte. - La mer y est très
poissonneuse ; outre le hareng, le maquereau et la sardine, qu'on y
pêche en quantité pendant la saison, On y trouve des congres, des
soles, des plies, des turbots, des saumons, etc. - La mer a jeté
plusieurs fois, depuis une vingtaine d'années, sur les plages qui sont
au pied des falaises, et notamment sur celles de Plestin, de Lannion et
de Paimpol, d'énormes cétacés que M. Cuvier reconnu former un genre
particulier, et qu'il a nommés, à cause de la sphéricité de leur tête,
dauphins-globiceps. D'après la forme de cet animal et la situation
verticale qu'il affecte, les naturalistes ont cru reconnaître en lui la
sirène ou femme marine (mor groèk des Celtes) sur laquelle les pêcheurs
bretons ont une foule de traditions merveilleuses.
RÈGNE VÉGÉTAL -- Les productions végétales des
Côtes-du-Nord n'ont rien qui les distingue de celles du Finistère et du
Morbihan.- Comme dans ces départements, la douceur du climat permet aux
myrtes et aux figuiers d'y fleurir et d'y donner des fruits eu pleine
terre. -- Les essences dominantes dans les forêts sont le chêne, le
hêtre et le bouleau. -- Le châtaignier y vient bien. -- Les arbres
verts et le pin maritime surtout acquièrent dans les landes une prompte
et belle croissance. -- On remarque parmi les arbustes l'arbousier, le
houx, le genêt, l'aulne épineux, etc. -- Le département est placé en
dehors de la limite où la vigne peut être cultivée. Il renferme de
grandes plantations de pommiers.
RÈGNE MINÉRAL. -- Le sol est très varié ; on y
trouve des terrains primitifs, de transition, secondaires, tertiaires,
d'alluvions et même des terrains qu'on soupçonne d'être volcaniques. --
Les terrains primitifs occupent à peu près les trois quarts du
département, on y remarque du granit, du gneiss, du porphyre et du
schiste. -- Le pays n'est pas riche en mines métalliques, on y exploite
cependant du fer et de la plombagine. On trouve près de Saint-Quay des
sables magnétiques. -- On exploite aussi en diverses localités des
ardoises assez bonnes et du granit d'une grande beauté. Le granit de
Saint-Brieuc est susceptible de recevoir un beau poli. -- D'après les
géologues du département, on y trouve en outre du marbre, du kaolin, de
l'ocre jaune et rouge, de la serpentine verte, des améthystes, du
quartz hyalin, de la tourmaline, du grès réfractaire, de l'argile
blanche et plastique propre à la poterie et à la terre de pipe, etc. --
Dans un banc de cailloux considérable qui se trouve auprès de Plouha,
on trouve des pierres de diverses couleurs et dont quelques-unes sont
herborisées.- Les terrains calcaires des environs de Dinan renferment
assez de débris de coquilles marines pour qu'on les exploite comme
falun. -- On a trouvé il y a quelques années dans la falaise d'Etables,
non loin de Portrieux, les ossements d'un énorme quadrupède que les
naturalistes de Saint-Brieuc ont déclaré être un animal antédiluvien.
-- On trouve le long des côtes de Pordic les restes d'une forêt
sous-marine analogue à celle que M. Fruglaye a découverte en 1812 sur
une grève près de Morlaix. -- " Un jour, cet ancien député se promenant
après une forte tempête, aperçut l'aspect de cette grève changé. Le
sable fin et uni qui la couvrait avait disparu. On voyait à la place un
terrain noir et labouré par de longs sillons. C'était un amas de
détritus de végétaux, parmi lesquels on distinguait plusieurs plantes
aquatiques, et des feuilles d'arbres forestiers. Au-dessous de cette
couche, se présentaient des roseaux, des joncs, des asperges, des
fougères et d'autres plantes de prairies, dont plusieurs très bien
conservées. Enfin, sur tout ce terrain on voyait des troncs renversés
dans tous les sens. La plupart étaient réduits à l'état de terre
d'ombre, d'autres étaient encore dans un état de fraîcheur. Les ifs et
les chênes avaient leur couleur naturelle. Les bouleaux, très nombreux,
avaient conservé leur écorce argentée. Tous ces débris étaient posés
sur une couche de glaise semblable à celle qui forme ordinairement la
base des prairies, etc. "
Eaux minérales -- Le département possède à Dinan un
fort bel établissement d'eaux minérales. Les eaux de Dinan renferment
du muriate de chaux, de soude, de magnésie, du sulfate calcaire, de la
silice et de l'oxyde de fer ; on en fait usage en boissons, et on les
considère comme très bonnes pour rétablir les fonctions de l'estomac.
-- D'autres sources ferrugineuses existent dans le département,
notamment à Saint-Brieuc, à Paimpol, à Tréguier et à Lamballe.
VILLES, BOURGS, CHÂTEAUX, ETC.
SAINT-BRIEUC, sur le Gouet, chef-lieu. de
préfecture, à 111 lieux. ½ O. de Paris. (Distance légale. -- On paie 57
postes 1/2). Pop. 10,420 habants. -- Cette ville, dont on attribué
successivement la fondation aux Diducasses, aux Caletes et aux
Curiosolites, paraît plus sûrement devoir son origine à un monastère
fondé en 480, par Saint-Brieuc, moine anglais, qui se réfugia en
Bretagne pour échapper aux persécutions des Saxons. Le terrain où il
s'établit était une forêt. Autour du monastère se forma bientôt une
ville nommée d'abord Bidué. -- Nominoë, en 848, érigea le monastère en
évêché ; la ville prit alors le nom de son fondateur et s'appela
Saint-Brieuc-des-Vaux, parce qu'elle était située dans une vallée
encaissée. Saint-Brieuc ne paraît pas avoir jamais été fortifiée. -- Sa
cathédrale seule avait été entourée de murailles et fut assiégée et
prise par Clisson, en 1394. -- Saint-Brieuc ne faisait pas partie du
comté de Penthièvre ; c'était une ville indépendante dont la justice et
la police appartenaient à l'évêque. Le régime municipal paraît y avoir
été établi dès 1579. -- En 1592, Saint-Brieuc fut prise et pillée par
les Lansquenets. - En l'an VIII (1799), la ville fut attaquée par les
Chouans, que la population repoussa avec courage. Cette ville avait,
avant la Révolution, le droit de représentation aux états de la
province ; elle y envoyait deux députés choisis parmi les bourgeois
notables. -- En 1601, elle fut ravagée par la peste. -- En 1620, on y
établit pour la première fois une imprimerie. -- Saint-Brieuc est
située dans un fond environné de montagnes qui ôtent la vue de la mer,
dont elle n'est cependant éloignée que de trois quarts de lieue, et sur
laquelle elle possède un port. -- Ses églises, ses rues et ses places
sont assez belles. - La cathédrale est un monument gothique du XIIIe
siècle, commencé, en 1220, par saint Guillaume, et terminé, en 1234,
par l'évêque Philippe ; elle est digne d'attirer l'attention des
curieux. -- L'hôtel-de-ville n'a rien de remarquable ; il renferme les
archives du département, la mairie et la salle des séances de la
société d'agriculture. -- L'hospice et l'hôpital sont bien distribués
et bien entretenus. -- La salle de spectacle est jolie, mais n'est
ouverte qu'à l'époque des courses. La ville possède une bibliothèque
publique riche de 24,000 volumes ; d'assez jolies promenades, notamment
le Champ-de-Mars, situé devant les casernes et planté d'ormes qui
donnent un ombrage agréable. -- On remarque sur le Gouet le pont du
Gouedic, beau pont de trois arches très hardies, qui a été construit en
1744. -- Le port actuel, qu'on nomme le Légué (nom qui se donne aussi à
la rivière du Gouet), a un beau quai qui a été commencé en 1758. Il est
commode et peu recevoir des navires de 350 tonneaux. On voit à
l'entrée, sur une pointe de terre, les ruines de la célèbre tour de
Cesson, élevée en 1395, pour défendre l'entrée du Gouet, et qui est
entourée d'un double fossé creuse dans le roc. -- Pendant les guerres
civiles et la guerre de la ligue, cette tour fut souvent prise et
reprise. Quoique démolie en partie en 1598, elle présente encore des
ruines imposantes. -- Il existe, près de Saint-Brieuc, une source d'eau
minérale ferrugineuse. -- Saint-Brieuc est le chef-lieu d'un
arrondissement de concours pour les courses de chevaux. Ces courses y
ont eu lieu pour la première fois en 1807. Une belle grève d'un beau
sable uni et ferme, située à une lieue de la ville, au-dessous des
falaises que dominent les restes de la tour de Cesson, sert
d'hippodrome. Les coteaux environnants forment amphithéâtre ; ces
courses sont généralement brillantes et attirent un grand nombre de
curieux.
LAMBALLE, sur le Gouessan, chef-lieu de canton, à 6
lieux. E. de Saint-Brieuc. Pop. 4,399 habitants. -- Cette ville
fort ancienne est considérée par quelques auteurs comme l'ancienne
capitale des Ambiliates, dont parle César. -- En 1084, un monastère y
fut construit par Geoffroy Ier, comte de Penthièvre, sur une montagne
qu'on nommait la vieille Lamballe, car il paraît que la cité
armoricaine avait été détruite au IXe siècle, par les Normands. --
Lamballe devint le chef-lieu du comté de Penthièvre. -- On y
construisit un château-fort, à l'abri duquel, après la destruction de
la vieille ville, se forma la ville nouvelle qui fût bientôt entourée
de murailles, et devint une place forte. Elle fut souvent assiégée.
Lors du siège de 1591, Lanoue, Bras-de-Fer, y fut tué en faisant une
reconnaissance. -- Dans le XVIe siècle, la ville fut souvent prise,
reprise et pillée. -- En 1626, le seigneur de Penthièvre, ayant pris
parti contre le cardinal de Richelieu, ce ministre tout-puissant fit
détruire le château de Lamballe, et dès lors la ville ne fut plus
exposée aux ravages de la guerre. -- Mais elle eut encore à souffrir
des maladies contagieuses, ainsi que des débordements de la rivière de
Gouessant. -- Lamballe est située sur le penchant d'un coteau que
domine l'église Notre-Dame, et au-dessous duquel se trouvent les
faubourgs traversés par la grande route de Paris à Brest. C'est une
petite ville assez jolie, riche et industrieuse, qui s'embellit tous
les jours. -- On y remarque une agréable promenade établie sur
l'emplacement de l'ancien château. -- Lamballe envoyait un député
aux Etats de la Province. -- Le Comté de Penthièvre avait été érigé en
duché-pairie, en 1569. -- Cette ville possédait autrefois une belle
bibliothèque et une chambre littéraire, nous ignorons si ces
établissements utiles existent encore.
PAIMPOL, petite ville maritime, chef-lieu de canton,
à 10 lieux. N.-O. de Saint-Brieuc. Pop. 2,108 habitants. -- Cette
ville, qui possède sur la Manche un port bien abrité avec une rade où
les vaisseaux et même les frégates peuvent trouver un refuge, est
située sur le penchant d'une colline schisteuse élevée d'environ 60
mètres au-dessus des plus hautes marées. C'est une ville ancienne qui
existait dans le XIVe siècle, et était alors défendue par un château
dont on voit encore quelques traces. -- Paimpol fut occupée en 1590,
lors de la guerre contre le duc de Mercœur, par les Anglais. Alors
auxiliaires des troupes royales, auxquels elle avait été donnée comme
place de sûreté. En 1593, elle fut reprise par les ligueurs aux ordres
du célèbre Guy Eder de Beaumanoir, sieur de Fontenelle, qui la
saccagea, la brûla en partie et massacra un grand nombre d'habitants.
-- Paimpol est une assez jolie ville, active et commerçante ; elle a
des quais larges et bordés de belles maisons, une belle place, celle du
Martray ; deux lavoirs publics, une fontaine, une église sous
l'invocation de Notre-Dame, ancien édifice convenablement orné, et
situé à l'entrée de la ville, au bout de la rue principale à laquelle
elle a donné son nom. -- Paimpol est baignée par la mer de trois côtés,
au nord, à l'est et au sud. -- Le port ou plutôt les ports sont bons et
sûrs ; les navires de toutes grandeurs peuvent y aborder. -- Il y
existe une calle de construction. L'établissement de la marée à lieu à
6 heures. -- Une source. d'eau minérale ferrugineuse se trouve aux
environs de Paimpol.
DINAN, sur la rive gauche de la Rance, chef-lieu
d'arrondissement, à 14 lieux. E. de Saint-Brieuc, Pop. 8,044 habitants.
-- Cette ville est très ancienne, on a cru longtemps que c'était
l'ancienne capitale des Diablintes ou des Diaulites, dont il est
question dans les commentaires de César. -- Il est reconnu aujourd'hui
qu'elle est bâtie sur le territoire des Curiosolites, dont la cité
principale se trouvait à peu de distance, au village de Corseul. --
Quelques savants ont aussi voulu reconnaître dans Dinan, le lieu
désigné par la table de Peutinger, sous le nom de Nadianum. -- Dinan
est située au bord de la Rance, sur une montagne escarpée ; elle se
présente de loin sous un aspect pittoresque. Des murs flanqués de
grosses tours l'environnent ; ils défendaient jadis la ville, ils
servent aujourd'hui de clôture à plusieurs beaux jardins. Autrefois ils
étaient si forts et si épais, qu'on aurait pu, dit-on, diriger sur leur
couronnement une voiture à quatre roues. -- Dinan a eu longtemps de
l'importance à cause de sa position. Elle a soutenu plusieurs sièges.
-- Elle fut prise en 1373, par Du Guesclin, et en 1379, par Olivier de
Clisson. -- Elle fut livrée comme place de sûreté, en 1585, par Henri
III, au duc de Mercœur. Ce chef de la ligue en Bretagne, transporta à
Dinan le siège du présidial de Rennes, et y fit battre monnaie.
Néanmoins, la ville fatiguée de sa domination, se rendit, en 1598 au
maréchal de Brissac. -- Dinan, où aboutit le nouveau canal d'llIe et
Rance, possède un port qui reçoit des navires de 90 tonneaux, et qui en
recevra bientôt de 300. Cette ville est à 7 lieues 1/2 de Saint-Malo,
et ne peut manquer d'acquérir beaucoup d'importance. Depuis plusieurs
années, ses rues, ses constructions et ses places ont reçu beaucoup
d'améliorations. -- Près de la place Du Guesclin est une promenade
vaste et très bien plantée. Les anciens fossés de la ville ont aussi
été convertis en promenades. -- Sur cette place qui porte le nom de Du
Guesclin, on montre le puits que franchit ce guerrier, lors de son
combat singulier avec Thomas Cantorbéry. -- Dinan a deux églises,
toutes les deux de construction gothique. -- On y remarque un singulier
mélange de piété et de grotesque, de sacré et de profane ; on y voit
même quelques sculptures d'un genre très libre, notamment dans l'église
dédiée à Saint-Malo. L'église de Saint-Sauveur renferme des bas-reliefs
représentant les amours de Psyché. C'est dans cette église qu'en 1810
fut transféré le cœur du fameux connétable Du Guesclin dont le corps
avait été inhumé à Saint-Denis, avec les rois de France. Ce cœur avait
été d'abord déposé dans l'église des Dominicains, dans le tombeau de
Tiphaine Raguenel, première femme du héros breton ; mais cette église
fut détruite pendant la Révolution. Une table de marbre de forme
pyramidale, plaquée contre le mur de l'église, et décorée d'une urne
funéraire et des aigles, armes de la maison de Du Guesclin, indique le
lieu où cette relique glorieuse est aujourd'hui déposée. -- On visite
avec plaisir, à Dinan l'ancien château qui faisait partie des
fortifications de la ville et qui a été construit ou tout au moins
habité par la reine Anne. On voit encore dans la chapelle le fauteuil
de cette princesse. Depuis quelques années ce château a été converti en
prison. -- A peu de distance de Dinan, on trouve une source d'eau
minérale ferrugineuse et vitriolique qui attire un grand nombre de
malades. On y remarque une jolie salle de réunion pour les étrangers.
Les chemins ombragés qui y conduisent traversent des sites forts
pittoresques et sont pratiqués de manière à offrir des pentes douces et
des promenades commodes. -- On voit sur un mamelon en partie naturel et
en partie artificiel, peu éloigné de Dinan l'ancien château de Léhon ou
Léon, dont les historiens de Bretagne font souvent mention ; ce château
a dit-on été construit sur les ruines d'un fort bâti par les Romains ;
il servait à loger le poste préposé à la garde de la Rance, et il a
plusieurs fois été abattu et réédifié. -- En 1169, il fut détruit par
suite d'un traité fait entre Louis-le-Jeune et le roi d'Angleterre
Henri II ; on le rétablit depuis sur ses anciennes fondations ;
il existait encore en 1402 ; aujourd'hui il n'en reste que des débris.
-- La position en est très forte, la plate-forme au sommet du mamelon,
est vaste et flanquée de huit tours qui dominent les campagnes
voisines, on remarque dans ses tours un souterrain qui, d'après la
tradition populaire, communique avec le château de Dinan.
GUINGAMP, sur le Trieux chef-lieu d'arrondissement à
7 lieux. O.-N.-O, de Saint-Brieuc. Pop. 6,109 habitants. -- Cette ville
était une des plus considérables du duché de Penthièvre ; elle est
située au milieu de belles plaines et était autrefois enfermée de
murailles dont il reste encore une partie. -- On voit au milieu de la
place une fort belle halle devant laquelle est une jolie fontaine. --
Une grande rue traverse la ville d'un bout à l'autre, et dans le milieu
est l'église paroissiale, ornée d'un clocher à flèche et d'une tour
carrée surmontée d'une espèce de dôme. -- On remarque dans la ville
quelques belles constructions ; les environs offrent d'agréables
promenades.
PONTRIEUX, sur le Trieux, chef-lieu, de canton, à 4
lieux. N. de Guingamp. Popul. 1,647 habitants. -- Cette petite ville
est le seul port d’arrondissement de Guingamp. C'est une ville fort
ancienne, bâtie au pied d'un vieux château nommé Châteaulin et qui est
aujourd'hui en ruines. Elle a soutenu plusieurs sièges et a été
plusieurs fois prise par les Anglais. -- Dans le XVe siècle, la ville
de Portrieux fut saccagée et prise par Pierre de Rohan et alors on
démolit Châteaulin. -- L'église paroissiale est située hors de la
ville, sur la route de Guingamp ; elle passe pour la plus laide de
toute la Bretagne. Il existait autrefois dans la ville une chapelle,
démolie il y a peu d'années, et qui a fait place à une jolie halle,
au-dessus de laquelle se trouve la mairie. La ville n'est pas mal
percée ; on y remarque quelques jolies maisons, une place assez belle
et une promenade plantée de tilleuls, elle est divisée en deux
quartiers par le Trieux, que des maisons bordent de chaque côté, et sur
lequel un pont est jeté pour les communications. -- Le port, assujetti
au flux et au reflux est situé à environ trois lieues de l'embouchure
du Trieux dans la Manche et à quelques portées de fusil au-dessus de la
ville ; il y existe dans le voisinage quelques auberges et des magasins.
LANNION, sur le Léguer, chef-lieu d'arrondissement,
à 19 lieux. ½ O.-N.-O. de Saint-Brieuc. Pop. 5,371 habitants. --
Lannion, qui est dans une situation favorable pour le commerce, et qui
possède sur le Léguer un port peu éloigné de l'Océan et d'un accès
facile, mais où ne peuvent plus remonter, comme il y a 40 ans, les
navires de 250 tonneaux, est une ville ancienne. -- C'était
autrefois le chef-lieu d'un comté. Elle était fortifiée. L'histoire de
Bretagne de Lobineau rapporte qu'elle fut prise par trahison par les
Anglais en 1346, que la ville fut pillée et qu'une partie des habitants
furent égorgés ou rançonnés. Le port de Lannion est bordé d'un quai
large et spacieux. D'un côté il est garni de maisons, de l'autre se
trouve l'hôpital. A l'extrémité du quai est une jolie promenade où la
vue s'étend sur la campagne. -- Sur ce quai se trouve aussi la source
d'eau minérale de Lannion, source ferrugineuse, vitriolique et
sulfureuse dont les eaux sont employées avec succès contre la pierre et
l'hydropisie. -- Lannion, malgré sa position agréable est une ville
triste et mal bâtie. Ses rues sont étroites et escarpées ; elle possède
deux petites places et deux fontaines, un collège, une petite caserne
et deux hôpitaux. -- L'église principale est un édifice dont la
construction remonte au XIIe siècle.
TREGUIER, port de mer forme par l'embouchure de deux
rivières, le Guindy et le Jaudy, chef-lieu de canton, à 2 lieux. S. de
l'Océan, et à 5 lieux. N.-E. de Lannion. Popul. 3,178 habitants. --
Dans le VIe siècle existait dans la presqu'île de Trégor, un monastère
fondé par saint Tugdual, sur l'emplacement duquel, deux siècles plus
tard, en 848, s'éleva une église cathédrale. -- Les maisons qu'on bâtit
près de cette église formèrent la ville de Tréguier. -- Quelques
géographes prétendent qu'elle se trouve voisine de l'antique Vorganium,
cité des Ossismiennes. D'autres veulent que Tréguier ait été bâtie sur
les ruines de l'ancienne Lexobie, ville détruite en 836 par les Danois
aux ordres de Hasting. M. Habasque combat cette opinion et place
Lexovium à l'embouchure du Léguer, au village de Coz-Yaudet, commune de
Ploulech. -- Tréguier devint dans le vie siècle le siège d'un évêché.
En 1386 Olivier de Clisson y fit construire un château en bois de 3,600
pas de diamètre, et disposé de façon à pouvoir se démonter. Ce château
était destiné pour une descente en Angleterre, expédition que les
tempêtes empêchèrent de réussir. -- En 1592 les Espagnols débarquèrent
devant Tréguier, s'emparèrent de la ville la pillèrent et la brûlèrent
en partie. -- Tréguier est bâtie sur un coteau en amphithéâtre qui fait
face à la mer ; cette ville, qui s'améliore tous les jours, a des rues
propres et bien pavées une jolie promenade plantée d'ormes, un beau
quai également planté d'arbres, une belle place centrale où se trouvent
une fontaine publique, une forme, édifice élégant à forme octogone,
avec îles arcades en pierres de taille et des balustres en fer. -- Le
monument le plus remarquable est la cathédrale, église gothique
curieuse par son architecture, par son clocher percé à jour et par les
sculptures qui la décorent. -- On y voyait naguère le tombeau de Jean
dit le Bon, duc de Bretagne. et celui de saint Yves, chef-d'œuvre
d'architecture gothique. Saint Yves, né aux environs de Tréguier, est
le patron de la ville.
LOUDEAC, chef-lieu d’arrondissement. à 15 lieux. S.
de Saint-Brieuc. Pop. 6.736 habitants. -- Cette petite ville, située
près de la vaste forêt de même nom, ne parut pas avoir joué un grand
rôle dans l'histoire du pays. -- Elle doit à sa position au sud du
département d'avoir été choisie pour chef-lieu d'un arrondissement ;
elle ne renferme aucun monument remarquable, mais elle est le centre
d'une fabrication très étendue de toiles dites de Bretagne ; il y
existe une chambre consultative des manufactures, deux pensionnats pour
les garçons et pour les filles, et tous les établissements publics et
administratifs qui se trouvent dans un chef-lieu d'arrondissement.
VARIÉTÉS. -- MŒURS BRETONNES.
PARDONS. -- Le culte des fontaines survécut
longtemps en Bretagne à l'abolition du paganisme. Le clergé, ne pouvant
détruire cette piété héréditaire, se décida, pour en tirer parti, à
bâtir des chapelles auprès de ces lieux d'antiques pèlerinages. Le
respect des fontaines fut ainsi transmis aux saints sous l'invocation
desquels les nouveaux temples furent placés. -- Chaque chapelle eut un
pardon, c'est-à-dire un jour de pèlerinage, qui attira les populations
éloignées ; jalouses d'offrir au saint le tribut de leur piété et de
recueillir les bienfaits de spiritualité merveilleuse car chaque saint
présida à quelques maladies ainsi saint Efflam guérit les clous ; saint
Meen la gale ; saint Caradec, saint Ilec, saint Dourlon, saint Colomban
guérissent les uns la fièvre, les autres l'épilepsie, la paralysie,
etc. -- Tel saint, comme saint Eloy, ne se mêla que des chevaux et des
juments, tel autre ne traita que les bêtes à cornes. -- On arrivait de
dix lieues, à ces chapelles, traînant les bestiaux qu'on voulait faire
guérir ou portant les enfants malades. -- Ces assemblées ou pardons,
qui avaient autrefois un but religieux, ne sont plus aujourd'hui que
des réunions pour le divertissement et le plaisir. -- On y joue aux
quilles, aux dés, à quelques jeux de hasard. -- On visite les boutiques
de quincaillerie et de mercerie. -- Les jeunes gens font de
petits cadeaux à leurs amies. -- On y mange du pain blanc et des
gâteaux, mais surtout on danse, quelquefois au son d'un mauvais violon,
mais plus souvent au son du biniou de la bombarde et du tambourin, qui
composent l'orchestre national des Bas-Bretons. -- Des mendiants
étalent leurs plaies dégoûtantes, des charlatans rassemblent des dupes.
-- Sous des tentes établies de distance en distance sont les groupes de
buveurs, dont la gaieté bruyante est quelquefois troublée par les
disputes des ivrognes. -- Le curé choisit ordinairement ce jour pour
donner un grand dîner aux notables de l'endroit. - Les jeunes gens et
les jeunes filles flânent ou se témoignent publiquement leur amour, en
se regardant tendrement et en fouillant dans les poches les uns des
autres. -- Quant aux riches ménagères, elles prennent la tasse de
café et le coup de liqueur. Quelques-unes fument, mais cela est rare.
Chez les hommes cette habitude contractée dès l'âge de treize ou
quatorze ans est générale ; aussi la consommation que les campagnes
fait en tabac à fumer est-elle énorme. Il n'en est pas de même du tabac
en poudre, quelques vieilles femmes seulement en font usage.
COURSES DE CHEVAUX. - Le goût des courses de chevaux
est aussi répandu dans la Basse-Bretagne qu'en Angleterre. -- Les
courses locales y sont en usage depuis un temps immémorial. Les paysans
se cotisent pour faire les frais du prix. Un mouton, ou
quelquefois un bœuf, est la récompense du vainqueur. Ces courses ont
lieu fréquemment lors des mariages. -- Les chevaux qui concourent ne
sont pas, comme on peut le penser, des chevaux de prix, mais de bons et
vigoureux bidets bretons remplis d'ardeur et capables de résister
longtemps à la fatigue. Ce n'est pas aux hommes seuls qu'est réservé
l'honneur de la lutte. Les femmes y sont admises celles qui veulent
courir ôtent leurs coiffes et se ceignent la tête d'un ruban rouge pour
retenir leurs cheveux ; ensuite, montant à cru comme un soldat romain,
cramponnées sur leur coursier qu'elles excitent de la voix et du geste,
elles se précipitent dans la carrière, bravant le danger de se rompre
le cou ou de rester comme Absalon suspendues aux branches basses de
quelques arbres, sans compter d'autres grotesques accidents, car ces
courses, qui sont de véritables parties de plaisir pour les paysans,
n'ont pas lieu comme les courses solennelles sur un terrain plat ou sur
une grève unie, elles ressemblent aux courses au clocher des Anglais.
Le but qu'il faut atteindre est souvent à une lieue de distance, et
pour y arriver on doit franchir tous les obstacles qu'opposent les
haies, les ravins, les pentes rapides et les coteaux escarpés. - Du
côté de Quimper il y a des courses ou le cheval porte à la fois le
cavalier et sa femme en croupe. Ce sont les plus dangereuses.
HABITUDES RURALES. -- Les maisons, cachées derrière
des fossés (buttes couvertes d'arbres et de boissons), sont toujours
situées dans les lieux les plus bas, afin que les eaux, s'y réunissant,
putréfient plus vite les pailles, les joncs et les genêts dont les
cultivateurs font leur fumier. Un hangar couvert de chaume reçoit les
charrues et les instruments de labourage. L'aire à battre les grains
est découverte. On connaît peu l'usage des granges ; les grains se
déposent dans les greniers de la maison principale, et les pailles se
conservent en mulons, (meules). Autour de l'habitation s'étendent les
vergers, les champs et les prairies, toujours entourées de fossés
couverts de chênes ou de frênes, d'épines blanches, de ronces ou de
genêts. Ces fossés sont tapissés de violettes, de perce-neige, de
roses, de jacinthes sauvages, de mille fleurs des couleurs les plus
vives d'une variété incroyable ; l'air en est parfumé l'œil en est
enchanté. Mais an milieu de ces sites délicieux vivent des Bas-Bretons
sales, grossiers, sauvages. Leurs habitations, sans lumière, sont
pleines de fumée : une claie légère la divise. Le maître du ménage, sa
femme, ses enfants et ses petits-enfants en occupent une partie ;
l'autre contient les bœufs, les vaches et les autres animaux de la
ferme. Les maisons n'ont pas ordinairement 30 pieds de long sur 15 de
profondeur ; une seule fenêtre, de 18 pouces l'ouverture, leur donne un
peu de jour ; le rayon lumineux éclaire un bahut sur lequel est une
masse de pain de seigle posée sur une serviette grossière. Deux bancs,
on plutôt deux coffres sont à côté du bahut, qui sert de table. Aux
deux côtés d'une vaste cheminée sont placées de grandes armoires
ouvertes, et à deux étages. Là, superposés, et séparés seulement par
quelques planches, sont les lits où couche la famille on n'y peut
entrer que penché car la hauteur des étages n'est quelquefois que de
deux pieds. Un sac plein de balle d'avoine ou de seigle, sert de
matelas beaucoup sont sans draps ; des étoffes de laine grossière, de
fil d'étoupes, de poils tissus ou d'antres sacs de balle, serrent de
couvertures. Le reste de l'ameublement répond aux lits ; il est composé
d'écuelles de terre, de quelques assiettes d'étain. d'un vaisselier,
d'un plateau de fer pour faire les crêpes, de chaudrons, d'une poêle et
de plusieurs pots à lait.
CAQUEUX. -- La Basse-Bretagne a eu, longtemps ses
Parias. - Les cordiers, les écorcheurs de bêtes mortes étaient
autrefois nommé, caqueux, cacous ou caquins, et considérés comme
infâmes. -- Quelques auteurs pensent qu'ils sont les descendants des
Alains, que les Bretons avaient réduits en esclavage. -- Quoi qu'il en
soit, ils inspiraient un tel mépris qu'en 1436, l'évêque de Tréguier
leur prescrivit de se placer au bas des églises lorsqu'ils
assisteraient au service divin. -- On les traitait comme des lépreux,
François II, dans le XVe siècle, leur prescrivit de porter sur leur
vêtement une marque apparente. -- On poussa la rigueur à leur égard
jusqu'à leur refuser de les laisser remplir leurs devoirs religieux, et
on repoussa leurs cadavres du cimetière chrétien. Il fallut des arrêts
du Parlement pour les rétablir dans le droit commun ; cependant à
Maroué, près de Lamballe, où il existait une corderie célèbre, les
cordiers étaient encore, il y a vingt ans, enterrés à part. Aujourd'hui
même, dans les campagnes, on les mépris et on les dédaigne, et les
familles qui jouissent de quelque réputation ne voudraient pas
contracter d'alliance avec eux quel que fût l'avantage qu'elles pussent
d'ailleurs y trouver.
Notes : Bibliographie - Notions historiques,
géographiques, statistiques et agronomiques sur le littoral des
Côtes-du-Nord, 3 volumes, in-8°(tomes I et II, St Brieuc, 1832, 1834,
Veuve Guyon(Tome III, Guingamp. 1836, Éditeur Jollivet) par François
Marie Guillaume HABASQUE
Joseph Lohou(6 janvier 2012)