Callac-de-Bretagne

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FRISE MACABRE

Sur les faces Ouest et Sud de la sacristie, construite en 1552 par Fouquet Jéhannou, on peut voir cinq bustes-sqZone de Texte: Àuelette différents.
Sigismond Ropartz, écrivain guingampais, décrivait ainsi en 1851: "une suite de bustes bizarres dont le mérite artistique est incontestable. Ce sont des squelettes qui remplissent en grimaçant toutes les fonctions de la vie. Les uns chantent, les autres paient, les autres pleurent ou blasphèment avec un rire sardonique et infernal. On ne sait si la mort ressuscite ou si la vie se retire au milieu de ces convulsions..."


Voir en particulier


              Cliché n°1

à l'angle des deux murs, le visage cadavérique brandissant deux tibias que Prosper Mérimée (inspecteur des monuments historiques en 1847) baptisa: "le spectre hurleur de la mort".

Que signifient ces représentations de la mort ?

Il faut savoir que l'on a inhumé dans nos églises en Bretagne jusqu'en 1735 et que l'on rele­vait les ossements afin de libérer de la place pour les mettre dans l'ossuaire. Ainsi toutes les églises possédaient un ossuaire d'attache ou construit indépendamment de l'édifice. Ces os­suaires se trouvaient toujours au sud et à l'ouest. Mais cette construction, à Bulat, était une chapelle' ; elle est devenue église, seulement, en 1804. Ainsi en tant que chapelle elle n'avait pas à avoir d'ossuaire. Fouquet Jéhannou a pensé le substituer par une frise macabre qui est en fait une représentation de cinq fois l'Ankou réduit à un buste squelette se répétant sur un bandeau larmier de la sacristie Renaissance.


Cliché n°2

L'Ankou2, création purement celtique, n'est pas à proprement parler, la mort,

mais le dernier défunt de l'année. Il est le serviteur de la Mort entre le monde sur Terre et l'Au-delà. L'Ankou fait peur. Ainsi l'Eglise met en place une pédagogie axée sur la crainte et l'espérance pour mieux éradiquer les anciennes croyances. Pour main­tenir cette crainte, obliger les fidèles à rester dans le «droit chemin» il fallait sacraliser la mort, la matérialiser.


             Cliché n°3

Cette frise est bien le témoignage de la pensée religieuse de cette première moitié du 16è siècle. Les plus sages, les plus pieux de ceux qui contemplaient de telles représentations en tiraient la leçon souhaitée. Nous devons sans cesse nous rappeler que nous sommes mortels et que nous devons nous préparer à bien mou­rir ! La mort est inattendue, inévitable, et, rétablit l'égalité entre les hommes.



               Cliché n°4


1 - Ici l'Ankou, mains jointes, le visage tourné vers le haut, est dans une position de sup­plication. Le corps est envahi de douleur et supplie la mort de le délivrer de cet enfer.

2 - L'Ankou dans une position placide, semble complètement résigné. Il attend que la mort vienne le chercher.

3 - Le « spectre hurleur de la mort » comme l'avait si bien nommé Prosper Mérimée, est révolté. La bouche grande ouverte semble proférer des insanités envers la Mort. Effective­ment, deux tibias dans la main droite, il exhorte ses coreligionnaires à ne pas se laisser faire par la Mort, ils ne doivent pas quitter cette Terre !

Malheureusement l'autre allégorie n'a plus sa représentation. Elle a disparu à une date complètement inconnue.

4 - Ici l'Ankou, la tête penchée sur le coté, paraît vouloir soudoyer la Mort ou alors lui demande une rémission.


Quel enseignement tirer de ces représentations? Qu'importe quelle simagrée vous ferez lorsque la mort viendra, elle vous emportera irrémédiablement.


Dans un monde qui n'évoque la mort que par des métaphores et dans lequel on ne parle plus de l'Au-delà, cette frise témoigne des rites ancestraux qui permettaient aux hommes de rendre le dernier passage moins redoutable. La fin du 19è siècle marque le soir d'une société traditionnelle et l'aube d'une ère qui ne sera pas seulement indus­trielle mais qui verra progressivement l'homme se couper de ses racines.


Jean Paul ROLLAND

1-Différence entre une église et une chapelle ? Une église possédait des fonts baptismaux, chapelle n'en avait pas.

2-Allégorie bretonne de la mort est représentée par un squelette souvent armé d'une faux montée à l'envers ou d'une flèche funeste. Il est très souvent présent dans les histoires que l'on ranimait au coin du feu et qui on fait frémir de peur beaucoup d'enfants. Ces histoires recueillies par Anatole le Bras à la fin du 19è siècle daiis La Légende de la Mort en Basse Bretagne (1893).




Mouez an Argoat-Bulletin Paroissial mensuel n°11-Novemnbre 2014.