Callac-de-Bretagne

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LA GRANDE PRÊTRESSE

Pauvre et chère « Grande Prêtresse », si délicate, si douce, si « bonne », surtout, hâtons-nous de dire qu'elle ne fut dans cette seconde moitié du XVIIIe siècle, la Grande, Prêtresse d'aucun culte archaïque. Son mari, l'avocat général du Parlement de Bretagne, s'appelait Le Prestre de Châteaugiron, le Grand Prestre » selon l'habitude familière dans l'intimité de la famille, d'où l'aimable surnom que l'on donne à « sa petite moitié » et qui varie selon les circonstances : « la Grande Prêtresse », « la Bonne Prêtresse », et mieux encore « la Bonne des Bonnes ».

pestre
Le mariage d'Auguste Félicité LE PRESTRE er Jeanne Charlotte FLOYD
à Notre-Dame de Guingamp le 22 septembre 1761.



Elle avait vingt-quatre ans quand, le 21 septembre 1761, elle épousa Auguste-Félicité Le Prestre, comte de Châteaugiron qui en avait lui-même trente-trois, et elle s'appelait de son nom de jeune fille : Jeanne-Charlotte Floyd de Tréguibé. Son père, Guillaume-François-Jean-Gabriel Floyd, écuyer, sieur de Tréguibé, de descendance irlandaise, né à Poni-Melvez, le 20 janvier 1711, avait épousé, le 3 septembre 1736, à Notre-Dame de Guingamp, sa parente au second degré, Marie-Marguerite Hamon.

A peine Jeanne-Charlotte connut-elle sa mère qui mourut en 1737, sans doute en lui donnant le jour. Elle avait six ans quand son père se remaria, le 22 avril 1743, avec Marie-Jeanne-Perrine Le Goff, dame du Rest, dont il devait avoir huit enfants. A en juger par l'affection que Mme Le Prestre devait conserver à la sœur de sa mère, il semble bien que ce fu
 
celle-ci, sa chère tante, Rose-Augustine Haillon, demoiselle de Kerliviou, qui lui prodigua les premiers soins.
Rose-Augustine Haillon, seconde 1111e de noble homme Charles-Jacques Hamon, sieur de Kernisan, épousa en secondes noces, le 31 janvier 1741, Messire Etienne-Joseph de Lesquen, seigneur de Kerohan, garde des Monnaies à Guingamp, dont elle eut sept enfants nés à Guingamp entre le 25 décembre 1741. et le 3 octobre 1753, si bien que la jeune nièce Jeanne-Charlotte de Tréguibé, âgée de quatre ans, fut un peu comme la sœur ainée de ses petites cousines.

L'affection et l'intimité furent, en effet, plus grandes avec les cousines de Kerohan qu'avec les demi-frères et- demi-sœurs Floyd de Tréguibé. Non que le moindre désaccord se soit produit, puisque dans leurs lettres réciproques, nous avons la preuve des relations les plus aimables entre les Tréguibé et les Kerohan. Une fois marié, le Grand Prestre écrit lui-même à son beau-père en termes corrects et sympathiques. 11 réserve toutefois, comme la Bonne Prêtresse, ses appellations les plus tendres pour « la chère tantine » et le « cher tonton ».

Quand la chère tante mourra, le 21 septembre 1774, l'émo-tion du Grand Prestre est à son comble. Quant à la chère Prêtresse, elle inonde de larmes sa lettre, au point de la rendre presqu'illisible.
Où et comment l'avocat général du Parlement, de Bretagne connut-il Jeanne-Charlotte de Tréguibé ? Mystère ! La jeune fille demeura-t-elle à Guingamp jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans, à l'époque de son mariage, en septembre 1761, ou fut-elle élevée à Rennes, comme le seront ses jeunes cousines, Victoire et Jeannette de Kerohan ? Nouveau mystère ! Nous sommes mieux renseignés sur l'état de sa fortune.
    
Emancipée d'âge, la Prêtresse reçut sans doute la dot de sa mère, et, certainement aussi, une partie de l'héritage de ses deux oncles maternels : Jacques-Hyacinthe-Joseph Hamon, sieur de Porville, avocat en Parlement et subdélégué de l'Intendance de Bretagne au département de Guingamp, né le 19 octobre 1705, mort• à Guingamp le 11 février 1758, « sans hoirs de corps », et maitre Pierre Hamon, sieur de Kernisan, conseiller au Conseil souverain.: de Saint-Domingue.

Son contrat de mariage qui nous a été très gracieusement communiqué par M. le vicomte d'Herbois de Thun porte les indications suivantes : « La demoiselle, outre ses héritages qui. lui sont échus des successions de noble Maitre Pierre Hamon, sieur de Kernisan, conseiller au Conseil souverain de Saint-Domingue, et de noble Maître Jacques-Hyacinthe-Joseph Hamon de Porville, ses oncles maternels, elle a, et il lui appar¬tient la somme de cent cinquante mille livres, tant en billets, crédits, obligations, y compris aussi la partie de meubles meublants, vaisselle d'argent, argent comptant et restes des meubles entre les mains de ses fermiers, colons ». Les deux oncles maternels laissaient diverses propriétés à Saint-Domingue. La correspondance Le Prestre contient, en effet, une lettre du 14 août 1767, où il est .question de « l'habitation, nègres et ustensiles » (sic) que possèdent « aux Colonies » les Le Prestre et les Kerohan, et la lettre est signée du grand négociant nantais Montaudoin.

Tout aussi brillante, en apparence du moins, parait avoir été la situation du Grand Prestre. L'avocat général Auguste-Félicité Le Prestre, comte de Chàteaugiron, était né en Saint-Germain de Rennes, le 5 octobre 1728, de Jacques-René Le Prestre, marquis de Châteaugiron 2, président à mortier;

2. La baronnie de Châteaugiron avait été achetée par contrat du S mars 1701 de Arthur-Timoléon de Cossé, duc de Brissac, par René Le Prestre, seigneur de Lezonnet, président. à mortier du Parlement de Bretagne, qui avait épousé, en 1683, Françoise Michau de Montaran. C'est le.second fils du précédent, Jacques-. René (le père de notre avocat général) qui lui succéda comme baron de Châteaugiron et qui épousa en •1717, Louise-Jeanne de Robien, dont  il eut dix enfants.



Notes.
Annales de Bretagne-Année 1932- Vol. 40, pages 64 à 97.