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Callac-de-Bretagne |
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Aux Sources de L’école
TOUTE
ÉDUCATION suppose une certaine conception de l'homme et de la société.
La première qualité de l'ouvrage réalisé par Luc Ferry et Alain
Boissinot, ancien président du Conseil supérieur des programmes
scolaires, est de rompre avec une vision de l'Histoire qui suppose que
les conceptions éducatives ayant précédé le siècle des Lumières sont
par définition obscures ou primitives.
C'est même le contraire qui est vrai : les idées éducatives les plus «
révolutionnaires » ont parfois été marquées par le passé le plus
lointain, à savoir l'Antiquité grecque et romaine à qui
Saint-Just et Lepeletier de Saint-Fargeau faisaient-ils référence, en
1793, quand ils songeaient à refonder l'éducation ? Aux Romains dont
Rousseau était le zélateur !
Autre affirmation de ce livre : aucune époque historique n'est
parfaitement homogène et chacune a ses- contradictions. Par exemple
durant la Révolution française, Condorcet défend l'éducation des filles
tandis que certains émules de Rousseau considèrent que les femmes n'ont
pas besoin d'être scolarisées puisqu’elles ne sont pas vouées à devenir
citoyennes. Eh oui, l'histoire ne ressemble pas à l'image que, s'en
font les bateleurs d'estrade En retraçant l'histoire de l'école
de la Grèce de Platon à nos jours en Occident, Ferry et Boissinot
définissent quatre conceptions éducatives qui se sont succédé et
correspondent à des visions différentes de l'homme.
Le
premier est le « modèle aristocratique gréco-romain » dans le cadre
duquel l'école doit aider les enfants des élites à perfectionner leurs
qualités naturelles afin d'atteindre l'excellence, la fameuse «
Arété ( Courage et force devant l’adversité » ) chère à Aristote.
Les Grecs ont inventé la notion même d'Idéal et nous leur en sommes
redevables.
Un grand changement se produit aux débuts du Moyen Âge quand le
christianisme, à travers saint Augustin, dévalorise la nature de
l'enfant marquée par la faiblesse du péché originel et valorise l'idée
de travail, comme le faisait déjà saint Paul. L'Occident se couvre
d'écoles et de monastères, en particulier sous Charlemagne.
Nous
sommes au coeur de ce que Boissinot et Ferry appellent «l'école des
clercs ». La diffusion du savoir et l'éducation des enfants sont dans
les mains de l'Église. Plus tard, avec l'humanisme, dont les auteurs
situent les prémices à l'aube de la Renaissance, une troisième
conception de l'éducation se diffuse qui conçoit l'homme comme un être
indéfiniment perfectible. Nonobstant, il serait simpliste de séparer
ces époques qui se sont fécondées les unes les autres : « On hésite
aujourd'hui à opposer de façon radicale, comme on le faisait naguère,
la grande Renaissance aux tempe obscurs du Moyen Âge et l'on identifie
plus volontiers plusieurs "renaissances" en un processus qui se
prolonge par-delà le XVIe siècle», explique Boissinot qui insiste sur
les différentes pédagogies mises en œuvre à travers les âges.
Quant à l'Éducation nationale, dont le projet est fondé sur
l'instruction gratuite et obligatoire, elle connaît une manière
d'apogée sous la Troisième République avec ses fameux hussards noirs
pour lesquels certains de nos contemporains éprouvent une nostalgie que
ne partagent pas les auteurs.
Au-delà
de ce qui les distingue, ces quatre modèles éducatifs ont en commun
d'avoir été marqués par l'idéal socratique, le fameux «connais-toi
toi-même » du Temple de Delphes qui stipule que les progrès de la
connaissance et ceux de la morale vont de pair. Un optimisme que le XXe
siècle a ébranlé avec sa succession d'Holocaustes commis par des
tortionnaires très savants et cultivés. Selon les auteurs, la crise de
la culture scolaire est indissociable d'une crise de la transmission.
Une civilisation qui ne veut plus s'enseigner ne peut avoir d'école
digne de ce nom, disait Péguy. Luc Ferry et Alain Boissinot en
appellent à assumer notre histoire en refusant les utopies pédagogiques
et en valorisant nos héritages spirituels chrétiens et laïcs. «Pour les
Européens que nous sommes, l'éducation est un projet à la fois grec,
chrétien et juif », écrit Ferry. La tradition éducative occidentale est
née de la rencontre entre Athènes, Rome et Jérusalem, n'en déplaisent à
ceux qui préféreraient l’oublier.

Jules
Ferry est à l'origine de la loi du 28 mars 1882 instituant
«l'instruction primaire obligatoire pour les enfants des deux
sexes
âgés de six ans révolus à treize ans révolus.»
SOURCES.
Extrait de « La plus belle histoire de l’école » - Ferry-Boissinot- �Édit. R. Laffont
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