Callac-de-Bretagne

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LE VILLAGE DE KERIVOAL. -

 A la lisière du bois de Duault, à mi-voie du petit côté du presque parfait rectangle que forme la paroisse de Duault, s'élève le manoir de Kerivoal, alias Kerrivoallen. On y accède par un chemin montant, sablonneux, mal aisé, qu'on devine avoir été large et carrossable autrefois. Le seigneur entretenait ses routes, le fermier les néglige. C'est chez ce dernier un parti pris absolu, une affaire réglée une fois pour toutes : il ne remuera pas le petit doigt pour ce qu'il considère comme d'intérêt général. Il est individualiste et particulariste jusqu'à la moelle des os et ne veut rien connaître de la solidarité. Travailler en faveur du voisin actuel, du remplaçant possible, fi donc ! Que de chemins, anciennement carrossables sont aujourd'hui, de ce fait, à peu près impraticables, il y en a beaucoup d'échantillons à Duault.
L'antique nom de ce manoir était Kerrivoallen qui indiquait peut-être le fondateur : Riwallen, très vieux nom celte. Peut-être y aurait-il eu dans la suite du temps des Rivoal, ce qui expliquerait l'abréviation actuelle.

Voici les seigneurs et dames ayant habité ce manoir et dont nous trouvons les noms dans nos registres paroissiaux.

En 1585, Delle Jeanne Mescam, dame de Kerivoal. Il s'agit d'un décès. Depuis quand cette famille était-elle là ?

En 1614, un Duault a pour marraine une dame de Kerivoal. Mes notes omettent malheureusement d'en donner le nom.

En 1625, baptême de noble Yves Thomas, fils d'écuyer François et de défunte Delle Louise de Bois-Berthelot, seigneurs de Kerivoal.

En 1668, décès d'Yves Thomas, seigneur de Kerivoallen.

Les Thomas quittèrent-ils peu après Kerivoal, ou bien une des branches. En tout cas, en 1755, nous trouvons à Lesmabon, Claude Thomas, notaire royal et apostolique et sa femme Cécile Dorothée Guillou.

Aujourd'hui, le manoir de Kerivoal est devenu la maison d'habitation des fermiers. Ses nouveaux occupants se préoccupent moins que les anciens de sa toilette. Cela le vieillit un peu et lui donne l'attitude d'un grand vieillard replié sur lui-même, qui se vengerait de ses humiliations présentes en étalant avec ostentation quelque reflet de sa gloire passée. Une chaussée en pierres arrondies et polies par le frottement naît au seuil de la porte principale, descend en ligne droite, creuse une brèche dans le muret qui servait de clôture à la cour d'honneur, continue à dévaler la pente, et, avec une courtoisie vraiment aristocratique, vous fait un pas de conduite en sonnant sous vos chaussures et votre canne ferrée, jusqu'au bout de la piste de sortie, puis vous laisse vous débrouiller tout seul, mais reste là à vous regarder partir, - bien entendu, avec l'intention délicate, si vous veniez à vous écarter de la bonne voie, de vous avertir d'un aimable "à droite ou à gauche, monsieur", selon qu'on s'égare de ce côté-ci ou de ce côté-là.

N'est-ce pas le comble du comble de la gentillesse ? Et vous êtes le pire des sourds si un tel pavé ne se fait entendre distinctement.

Certaine chapelle qui ferme la cour à l'ouest impressionne aussi le visiteur. Elle est d'allure fière, bâtie avec des pierres de grand appareil.

Le fermier se défend de l'avoir convertie en écurie, ce qui ressemblerait à une impiété sacrilège. Hélas ! Dans notre monde en passe de se matérialiser de haut en bas, en long et en large, l'on préfère l'odeur du fumier au parfum de l'encens. Le gain est devenu l'universel idéal, comme la matière l'unique réalité.  L'on croit encore à l'esprit mais à l'esprit de vin. Nos modernes laïques exaltent l'esprit de l'homme autant qu'ils dénigrent ou nient effrontément le Saint-Esprit qui est l'esprit de Dieu. Aussi bien nous autres catholiques, avons-nous failli quelque peu à notre vocation de conserver un reflet de celui-ci dans l'humanité moyennant l'esprit chrétien.

Le surnaturel est presque absent de nos vies. Le feu de la charité s'est éteint ou couvert d'un monceau de cendre, en revanche, et par voie de conséquence, les brasiers de la guerre se sont allumés. A leur lueur, arriverons-nous à voir clair, à distinguer la racine de notre mal, et, l'ayant repérée, aurons-nous le courage de l'extirper ? Simple et redoutable question de vie ou de mort ! Hors de Dieu, toute société manque d'assiette et est vouée à la ruine.

La chapelle de Kerivoal était, dit-on, dédiée à Notre-Dame des Neiges. Par qui ? Pour quel genre de bienfait ? Sans doute le don d'un enfant. Soulignons à ce propos l'extrême confiance de nos ancêtres en la Bienveillante Marie, mère de Jésus ... et en outre d'un immense peuple par sa prière toujours écoutée et exaucée.

kerivoal
Village de Kerivoal en forêt de Duau
lt.


Joseph Sérandour, recteur de Duault.

Note de la rédaction :
  1. Notre-Dame des Neiges de Kerivoal, à 3000 m E-S-E sert maintenant d'écurie.-Promenade Historique dans le Poher-Site Jean-Pierre Fevrier.
                        J.Lohou ( juillet 2016 )