Page
Retour
Jean DEVIENNE,(° 1911 Montigny en Gobelle-62 -+
1949 Hué-Indochine)
- Instituteur en 1935 à Calais.
- Militant SFIO.
- Réfugié en Côtes-du-Nord en 1943 à Maël-Pestivien.
- Responsable du Front National des CDN en 1943.
- Fondateur du journal « La France Combattante »
qui deviendra par la suite : « Le Patriote
des Côtes-du-Nord »
-
Ami de Trémeur BURLOT, maire de Callac en 1944.
- J. Devienne réunit à Callac en novembre 1944 500
à
600 personnes.
-résistant en Bretagne(1943-1945).
Fac-similé du journal « Le Patriote », fondé
par Jean DEVIENNE, dit « François ».
Extrait du livre d’Alain LOZACH –Visages de la Résistance
Bretonne.
« Mieux
qu’aucun d’entre nous il connaissait ce département
dans tous ces recoins, et n’eut été son léger accent
nordique, on l’aurait volontiers adopté comme un enfant
du pays ( ) ». En effet, Jean Devienne est originaire
du Pas de Calais , né le 16 Octobre 1911 à Montigny en
Gohelle . Il est le deuxième enfant d’une famille de dix,
dont deux mourront prématurément. Son père est
instituteur et secrétaire de Mairie à Coquelles à
quelques kilomètres de Calais, ses grands -parents habitent
dans cette ville ; le grand-père est également un
ancien directeur d’école retraité. Jean Devienne est un
adolescent espiègle, frondeur, il s’intéresse à la
presse de gauche. Son grand-père, en homme âgé, digne,
pondéré, genre républicain laïc du XIX°
Siècle lui disait « Tu lis du vitriol ! ».
Il obtient son brevet élémentaire en 1929 et se destine à
une carrière dans l’enseignement, en réussissant son
certificat d’aptitude pédagogique en 1935. Instituteur
auxiliaire en Novembre 1931 , il est affecté pour de
courtes périodes dans diverses écoles de son département
jusqu'à sa nomination comme stagiaire puis titulaire. Il
est nommé instituteur de l’école de la rue de
Constantine à Calais en octobre 1935 puis à celle de la
Rue Chateaubriand en octobre 1936 poste auquel il est affecté
administrativement jusqu’en octobre 1945. Jean Devienne
est un fervent syndicaliste et un laïc bon teint. Il
assiste aux réunions du syndicat des instituteurs, le SNI,
qui se tenaient le jeudi, en alternance avec son épouse car
il faut s’occuper des enfants. Il n’eut pas de
responsabilités particulières au sein du syndicat, il était
encore jeune instituteur à cette époque. Adhérent et
militant à la S.F.I.O, en assumant les responsabilités de
secrétaire régional des Jeunesses socialistes et membre du
Parti Socialiste à partir de 1932,il organise des réunions
dans les petites communes avoisinantes de Calais. Il
s’implique également au sein du mouvement des Auberges de
Jeunesse, avec des camarades socialistes, ainsi qu’à la
chorale ouvrière. Sympathisant de la Ligue des Droits de
l’Homme, il est un des responsables d’un groupe
pacifiste qui organise un spectacle au théâtre municipal
« Jaurès contre la guerre ».Militant
socialiste Jean Devienne côtoie quotidiennement des
communistes avec lesquels il a de bonnes relations, c’est
l’époque de l’unité d’action et du Front Populaire,
notamment au Centre de Loisirs au sein duquel une chorale,
une troupe de théâtre déploient des activités vers les
jeunes et la population .Le dimanche matin lors des
campagnes , Jean Devienne n’hésitait pas , bien sûr, à
aller vendre à la criée le journal de la SFIO, Le
Populaire, et l’Eglantine, le petit journal socialiste
local. Outre toutes ces activités, Jean Devienne
responsable d’un groupe de « La Libre Pensée »
est en relation avec le responsable national André Larulot.
Durant la guerre il garde le contact avec celui-ci, lui
envoyant de temps en temps un colis.
Il
effectue son service militaire d’octobre 1932 à Octobre
1933 au 110°
Régiment d’Infanterie. Classé dans le service auxiliaire
par la commission de réforme de Dunkerque le 1° Décembre 1932, il est nommé soldat de
première classe le 1°Mai 1933, quelques mois avant de se marier
en Août 1934 avec une institutrice qui lui donnera deux
enfants, Karl et Frantz. Ce choix des prénoms n’était du
goût de tout le monde...
Des
réfugiés espagnols sont hébergés près de chez lui ( le
camp Jules Ferry) ; comme beaucoup de militants de la
SFIO il allait soutenir les réfugiés, même s’il n’a
pas eu de responsabilités particulières, simple témoignage
d’une solidarité, de la fraternité entre les républicains
, les socialistes ...
Si
l’on devait résumer la vie de Jean Devienne avant la
guerre, voici les mots qui donnent une idée de sa
personnalité « Gauche, Pacifiste, Libre pensée,
Front Populaire, Léon Blum, congés payés, chorale ouvrière,
Centre de loisirs »( ). Il reste à ajouter le mot Résistance.
Vient
la guerre, il est mobilisé le 26 Août 1939 et rejoint son
corps le 27, affecté à la 28 °
compagnie de passage en subsistance au bataillon régional
en octobre 1939.Il est ensuite dirigé vers la Division d’Infanterie
n°
11 à Guingamp où il gère la subsistance et est chargé
des contrôles du 511 °
B.R . Il rejoint la Division en mars 1940 et est fait
prisonnier le 18 Juin 1940 ,puis il s’évade du camp d’Amiens
en Septembre 1940. Jean Devienne est ensuite démobilisé le
24 Septembre 1940 par le Centre de Démobilisation de Paris-
Exelmans .Il reste en contact avec son épouse à laquelle
il apprend qu’il s’est évadé et qu’il doit se
cacher.
XAVIER
Pendant
l’Occupation Jean Devienne se réfugie dans le département
des Côtes du Nord comme beaucoup de personnes originaires
du nord et de l’est de la France. Il s’installe dans la
région de Guingamp ville qu’il connaissait un peu à la
suite de sa mobilisation en 1939. Il y retrouve des
personnes qu’il a connues au sein des A .J notamment deux
institutrices Melle Simone Le Roy , de Mael Pestivien, et
Jeanne Mahé de Plourhan.
Après
avoir passé quelques temps à Mael-Pestivien, il trouve
refuge à Plourhan chez un instituteur, M. Lucien David. En
1942 il est hébergé chez des personnes originaires du Nord
comme lui ( M . Evrard ) à Guingamp dans le quartier de
Kergoz, ainsi qu’à Pordic. Il séjourne également dans
des fermes , donne un coup de main aux moissons.( Cf. la
photo prise en Août 1941 à Saint-Adrien lors d’un
battage ).
C’est
vers la fin de l’année 1941, début 1942 qu’il entre en
contact avec le Parti Communiste clandestin et en
particulier Louis Pichouron. Il commence à organiser le
Front National dès le début de l’année 1942, puis il
est nommé à la tête du Front National pour le département
au début 1943. Louis Pichouron dans ses mémoires relate
les conditions de cette nomination réalisée suite à la
sollicitation d’un chef national du FN qui lui demande de
trouver un chef départemental. Pichouron en contact avec
André Cavalan lui propose un instituteur, Jean Devienne qui
devient sous le pseudonyme de Xavier, responsable départemental
du FN des Côtes du Nord. Il installe son poste de
commandement à Guingamp vers le milieu de l’année 1943
et supervise avec le concours de responsables du P.C.F
clandestin les premières actions des F.T.P contre les
Allemands et les collaborateurs. Georges Voisin syndicaliste
et créateur de la colonie des « Ptis Gars » de
Bréhec est un des responsables du FN sur la ville. FRANCOIS
Avec
son équipe restreinte , Jean Devienne, qui a changé de
pseudonyme en devenant François, va sillonner tout le département
pour créer des comités du Front National. Des équipes de
cinq à six personnes responsables d’un secteur qui
ensuite recrutent autour d’eux, diffusent les tracts et
les journaux de F.N. dans lesquels figurent les mots
d’ordre et les instructions. Le F.N se charge également
à partir du printemps 1943 de trouver des fermes pour héberger
des réfractaires du S.T.O.
Il
a plusieurs agents de liaison à son service, et plus
particulièrement des jeunes filles dont Simone Le Roy et
Christiane ( Marie Le Bihan ) à laquelle il confiait les
missions de confiance et qui lui permet notamment d’être
en contact avec Henri Avril à Lamballe et les principaux
membres du C.D.L clandestin.
Son
adjoint est Adolphe Le Trocquer « Raoul » un
instituteur de Pludual, membre du P.C.F clandestin. Mais son
homme de confiance s’appelle Marcel , un guingampais réfractaire
qui a quitté le chantier de l’Organisation Todt de Quéven
près de Lorient où il travaille avec un groupe de jeunes
hommes de Guingamp regroupés dans un camp. Lors du mariage
d’un ami à Guingamp au début de l’année 1943 , Marcel
rencontre François qui était également présent à la
noce. Ils discutent, puis Marcel repart à Quéven. Trois
jours après il est de retour à Guingamp et reprend contact
avec François. Ils se donnent rendez-vous chez un gars qui
tenait une boucherie et un café , rue Montbareil (M. Fégard)
. Jean Devienne logeait là. Il demande à Marcel de
s’occuper des jeunes afin de les empêcher de partir au
S.T.O. Pour cela il réalise des photos pour les mettre sur
de faux-papiers pour les réfractaires, vole des tampons
dans les mairies. Des timbres fiscaux étaient donnés par
un type de Lézardrieux qui avait le filon pour s’en
procurer à pas cher !
Marcel
devient ainsi le bras droit de François qui lui demande
d’aller à des rendez-vous à sa place. Ainsi à Rennes
afin de prendre contact avec une organisation qui répartissait
de l’argent entre les mouvements de Résistance, Le
Service National Maquis dirigé par Henri Bouret qui
deviendra ensuite député MRP des Côtes du Nord à la Libération.
En tant que clandestin Marcel touchait 200 francs par moi.
Les résistants recevaient également de l’argent lors des
parachutages. Il y avait toujours dans un conteneur (bien
identifié par les responsables) une valise avec des billets
de banque, pas des sommes énormes mais de quoi tenir
jusqu’au prochain. Marcel rencontre Adolphe Vallée, le
chef de l’Armée Secrète à Saint-Brieuc, le Chef de l’Armée
Secrète à la demande de Jean Devienne et pour essayer de
coordonner les forces armées. La rencontre confirmât
l’attitude attentiste de l’A.S. Tout était prêt,
organisé pour le jour J.Il assure notamment les liaisons
avec Bernard responsable des F.U.J.P.
Mireille
Chrisostome , agent de liaison du Front National à partir
du débarquement est arrêtée et torturée par les nazis en
Juillet 1944 . Son corps est retrouvé à la Libération
dans la fosse commune de la Forêt de l’Hermitage l’Orge
avec une cinquantaine d’autres martyres de la répression
nazie.
Mireille CHRYSOSTOME, dite « Jacquotte ».
Les
rendez-vous ont lieu dans des cafés même ceux fréquentés
par les Allemands, ainsi le Café du Vally à Guingamp, où
se déroule le premier contact avec Joseph Darsel qui
devient en 1943 un des responsables du F.N ( membre du
triangle départemental ) avant de rejoindre quelques mois
plus tard l’Armée Secrète et le N.A.P.
En
relation continue avec Louis Pichouron, responsable du FN
qui organise le mouvement dans le Sud- Ouest du département,
Jean Devienne trouve une planque pour son camarade , traqué
par la police de Vichy chez Mme Josse à Saint-Jean- Grâces
près de Guingamp. Jean Devienne permet à Pichouron de
reprendre contact avec les responsables de l’organisation.
C’est encore par l’intermédiaire de Jean Devienne que
Pichouron a des nouvelles de son épouse arrêtée et qui
fut libérée quelques jours plus tard par un juge qui sera
déporté par la suite.
Le
Patriote des Côtes du Nord
Jean
Devienne développe une propagande soutenue par la diffusion
de « France d’abord » organe national des FTP
et de tracts imprimés à partir de février 1943 appelant
les jeunes à refuser le S.T.O, les agriculteurs les réquisitions,
les enseignants l’idéologie de Vichy . En juillet 1943 il
prend l’initiative de lancer un journal dont il est le
principal rédacteur, La France Combattante des Côtes du
Nord ( deux numéros en 1943) , puis il décide de changer
le nom en Le Patriote des Côtes Du Nord . Le tirage est
d’abord limité à 1500 exemplaire et atteindra plusieurs
milliers en 1944 ( plus de 10 000 déclare le Patriote dans
son numéro 12 de novembre 1944).
Jean
Devienne indique que c’est grâce à son ami Pascal de
Plestin les Grèves qu’il eut la bonne fortune de dénicher
l’oiseau rare, c’est à dire l’imprimeur qui
accepterait de risquer sa vie pour doter le Front National
d’un journal clandestin. « C’est à Morelles, au
pied des interminables escaliers de pierre qu’il nous
fallut gravir plus d’une fois par la suite, que je fis la
connaissance de Louis Boclé, un ancien de 14-18, un vrai !
Dix numéros paraissent sous l’occupation imprimés
gratuitement par la famille Boclé à Morlaix gracieusement
(c’était , disait-il sa cotisation ! ) » .
Outre
Le Patriote, le FN diffuse également des journaux imprimés
à Paris par le mouvement et les FTP ( France d’Abord).
Jean Devienne organise les envois vers les Côtes du Nord grâce
à de jeunes gens qui se rendent à Paris- Montparnasse et
qui ont des rendez-vous bien précis afin de récupérer de
volumineux paquets de journaux qu’il faut ramener coûte
que coûte par le train sans se faire repérer.
Sa
tête est mise à prix par la Gestapo mais en continuel déplacement
il échappe à tous les traquenards qui attendent les Résistants
suite à des dénonciations ou des trahisons « Personne
ne peut le trouver s’il n’a pas pris rendez-vous. Quand
on le sait à un endroit, il n’y est déjà plus. Sa sécurité
repose sur sa grande mobilité. Les Allemands connaissent
son existence sous le pseudonyme de François et sa
responsabilité de chef départemental du Front National ,
mais ne savent rien de plus ; Quant à son nom propre,
nous sommes quelques-uns à le connaître, la plupart
l’ignorera jusqu'à la Libération ( ). » En Décembre
1943, son nom figure sur la liste que présente à Joseph
Darsel un agent de la Gestapo se faisant passer pour résistant
et soi-disant chargé de prévenir les responsables de la Résistance
que la police allemande les recherche. Cette rencontre cause
l’arrestation de Joseph Darsel qui sera déporté à
Neuengamme. ( ) L’organisation du F.N est totalement
distincte de celle du P.C.F clandestin ce qui permet au
mouvement de se maintenir malgré les arrestations dont sont
victimes les communistes , notamment en août 1943 ( 40
personnes arrêtées dans le secteur de Guingamp ). Jean
Devienne résidait le plus souvent pendant la clandestinité
à Plésidy. Il parcourt tout le département accompagné de
jeunes résistants afin d’établir les contacts avec les
divers groupes locaux du F.N, se déplaçant avec tous les
moyens. A Lamballe, il rencontre Gilles qui devient son
responsable pour ce secteur. Il fréquente à plusieurs
reprises la maison de ce couple de Lamballe dont la maison
sert de point de ralliement ( ). « Si le mouvement
Front National eut une telle réussite dans le département
c’est grâce à son dynamisme et à son courage
tranquille, ayant su grouper autour de lui des hommes venus
de tous les horizons » ( ) .
A
la fin de l’année 1943 le département des Côtes du Nord
est totalement quadrillé par le Front national. Chaque
commune ou presque dispose d’un responsable qui a été
contacté par Jean Devienne ou par Louis Pichouron.
Jean
Devienne organise également durant la clandestinité un
service médical groupant de nombreuses personnalités médicales
avec lesquelles il était en relation ( Dr Bellec, Dr
Rouzaut) . Ce service est destiné à prodiguer des soins
aux combattants de l’Armée clandestine. Il est également
en contact avec des réseaux qui permettent aux aviateurs
alliés de rejoindre l’Angleterre. Son adjoint est en
effet membre du réseau Shelburn.
«
C’ était un bel homme , la trentaine, costaud, allure
sportive, son visage aux traits réguliers s’éclaire
d’un large sourire en nous accueillant » ainsi
s’exprime Désiré Camus, responsable du Secteur Nord 2
des F.T .P lors de sa première rencontre avec François (
Jean Devienne) dans l’arrière salle du café de Maria
Tiec au bourg de Ploézal. Au cours de cette réunion est
notamment évoquée la liquidation physique du responsable
d’un journal collaborationniste édité à Paimpol dont
sont chargés les F.T.P du secteur. Tentative qui échouera,
mais l’objectif sera atteint quelques semaines plus tard
par un autre maquis...
Le
Front National est organisé en sept secteurs en Juin 1944.
Il serait bien sûr trop long de décrire toutes les actions
auxquelles François ( Jean Devienne) a participe de près
ou de loin ou eu l’initiative. Evoquons les instructions
données au C.O (Commissaire aux Opérations ) du secteur de
Saint-Brieuc, Louis Le Bigaignon, afin qu’un train chargé
de blindages pour les cuirassés camouflés à Brest
n’arrive jamais à destination. Ce qui se produira dans la
nuit du 8 avril 1944 du coté de Pommeret... Quelques jours
plus tard il se charge d’organiser la mise en place du
groupe de F.T.P qui , le 4 Mai 1944, libère de l’hôpital
de Saint-Brieuc deux patriotes arrêtés et blessés et qui
allaient être fusillés
Il
est également dans le coup de l’attaque de la prison de
Saint-Brieuc par l’équipe de Max Le Bail qui libére
trente-cinq patriotes menacés d’exécution à le 1°
Août 1944.François a cherché des camarades pour monter
cette opération périlleuse, finalement ce sont les F.T.P
de Saint-Brieuc, après avoir récupéré des armes dans les
maquis des environs ( notamment celui de Trégenestre, armes
transportées par le couvreur Davy) qui réalisent ce coup
d’éclat sans que personne ne soit tué ou blessé ( ).
Jean
Devienne avait organisé un cloisonnement entre les différentes
activités pour éviter que quelqu’un, arrêté ,puisse
parler sur toute l’organisation du mouvement. Chacun avait
son rôle, la propagande, les liaisons, les jeunes, etc.
Tout était compartimenté pour que le F.N survive en cas
d’arrestations. Il avait fait le nécessaire pour cela.
« Quand une réunion était terminé, ou après un
contact nous nous éloignions rapidement des lieux
parcourant parfois plusieurs dizaines de kilomètres afin
d’éviter toute rafle au cas où. François avait un
pouvoir de conviction extraordinaire, il donnait une force
au mouvement que d’autres n’auraient jamais pu lui
insuffler » ( ).
En décembre 1943 François ( Jean Devienne) , chef du F.N
et siégeant à ce titre au sein du C.D.L clandestin dès sa
création et par ailleurs chef de la Commission militaire départementale
reçoit la mission d’organiser et d’armer les mouvements
de résistance. En avril 1944 il est chargé d’organiser
l’Etat- Major Départemental des Forces Françaises
Combattantes de l’Intérieur qui prennent le nom de F.F.I
quelques semaines plus tard. Il a le grade de commandant à
titre provisoire et est chargé du 1°
Bureau. Il participe à la réception de nombreux
parachutages d’armes et de matériel ainsi qu’à
l’accueil des parachutistes S.A.S à Duault le 9 Juin
1944. Le maquis est attaqué par les Allemands et les résistants
doivent se replier. Jean Devienne organise la récupération
des armes afin d’éviter qu’elle ne tombe aux mains de
l’ennemi et réparti ce butin entre les différents
groupes pour continuer le combat. Il reste en contact
permanent avec l’équipe Jedburgh Frédérick qui a pour
mission d’armer les maquis . Le 8 Juillet il se rend à
Jugon avec son agent de liaison Christiane et Marcel son
homme de confiance, à une réunion des principaux
responsables de la résistance de l’est du département à
laquelle assistent notamment Pierre Moalic ( Henri) ,
Maurice Barré ( Yves ). Il assiste ainsi à la réception
d’une seconde équipe Jedburgh ( Félix) dans les environs
de Jugon les Lacs avec les responsables de l’Intersecteur-Est.Il
prend contact immédiatement avec le Capitaine Kernével, et
lui expose la situation dans le département. Grâce à
cette nouvelle équipe, toute cette partie du département
put recevoir plusieurs parachutages d’armes ( 120 tonnes
en trois semaines ).
Le combat continue !
A
la Libération de Saint-Brieuc, François, l’organisateur
de la résistance, est porté en triomphe par ses compagnons
d’armes sur la place de la préfecture. Il est même élu
président du C.D.L le 15 Juin 1945 lors de la nomination
d’Henri Avril au poste de Préfet, mais il préfère
laisser la place à Maurice Barré afin de se consacrer
totalement au Front National. Lors de l’examen de la
reconstitution du Conseil Général au printemps 1945 François
se voit proposer un mandat de Conseiller Général, dans le
canton de Callac , M. Burlot s’étant engagé à retirer
si besoin est sa candidature pour permettre à Jean Devienne
d’avoir un mandat électif . Il refuse à nouveau cette
proposition.
Après
la Libération François ( Jean Devienne) continue
d’organiser le Front National dont il devient en quelque
sorte le permanent. Il anime régulièrement des réunions
publiques dans le département, ainsi à Saint-Brieuc au cinéma
Le Splendide plein à craquer, à Dinan devant 350 personnes
en novembre 1944, à Callac devant 500 à 600 personnes en
compagnie de Bernard délégué des F.U.J.P. et Marcel son
homme de confiance au F.N et qui assurait la liaison avec
les F.U.J.P. Lors des Etats Généraux de la Renaissance
Française il est désigné pour participer à l’étude
des cahiers de doléance dans la commission consacrée à
l’Armée et la Nation. Il préside la Commission militaire
départementale des Côtes du Nord qui siège à la Préfecture
du 3 Septembre 1944 au 1°
Janvier 1947. Son action dans la résistance est homologuée
par l’armée qui le nomme capitaine avec ancienneté de
grade au 1°
Janvier 1942, il est affecté à la 3° Région militaire de Rennes.
Après
avoir été un des artisans des listes uniques de la Résistance
lors des élections municipales, François appelle pour les
législatives d’ octobre 1945 à voter socialiste en
indiquant « Je n’ai jamais cessé de servir mon
parti, de servir le socialisme. Mon rôle dans la Résistance
des Côtes du Nord a toujours été inspiré par mon idéal
socialiste. Que la Résistance ait servi le socialisme,
c’est encore une des belles conséquences de son rôle
magnifique. Aujourd’hui je rentre dans le rang, comme
grandi par la lutte. Comme soldat, toujours au service de la
même cause. Pour le triomphe de la République et de la
Paix. Pour le triomphe d’un socialisme pur et sans tache,
détaché des influences occultes ou étrangères... »
Après
la dissolution du C.D.L fin décembre 1945 , François (
Jean Devienne) est l’un des membres fondateurs de l’Association
départementale des anciens Résistants des Côtes du Nord
qui se veut à l’écart des partis politiques et qui
affirme d’emblée qu ‘elle ne prendra pas position en
matière électorale et ne présentera pas de candidats.
Jean Devienne était-il membre du Parti Communiste
clandestin ? Certes des socialistes ont adhéré au
P.C.F pendant l’occupation, c’est notamment le cas d’Auguste
Le Coent, autre membre du C.D.L . En ce qui concerne François
,la réponse est négative. Les témoignages à ce sujet
sont formels. Lui -même affirme dans le Combat Social du 20
Octobre 1945 dans un appel à voter pour la liste S.F.I.O
avoir toujours été socialiste. Lorsqu’on l’a chargé
de créer le Front National dans le département il
l’aurait clairement fait savoir aux responsables du P.C.F
clandestin . Dans son livre, Désiré Camus indique qu’un
responsable du F.N (Andrieux) lui précise que François
n’est pas membre du P.C et que l’objectif du F.N et des
F.T.P. est de recruter bien au-delà des cercles
communistes. Après la Libération le P.C.F a cherché à
l’intégrer dans ses rangs sans succès. Le Combat Social
du 2 Avril 1949 indique que « François a voulu préserver
l’unité de la résistance et la maintenir au-dessus des
partis et de l’exploitation politique. Il se consacra au
Front National et essaya d’écarter de son sein
l’intrusion des partis. Il vit avec tristesse l’esprit
partisan pénétrer malgré tout dans la Résistance et altérer
les rapports entre certains de ses membres. Il rejoignit
alors la section socialiste et nous prêta son concours dans
plusieurs campagnes électorales ».
Au
cours de l’année 1945, le P.C.F développe une stratégie
visant à prendre le contrôle total du Front National dans
le département qui lui échappe du fait de son recrutement
pluraliste bien au-delà des rangs habituels des
organisation de gauche. Une campagne insidieuse visant à écarter
François ( Jean Devienne) est orchestrée mettant ne cause
son honnêteté, sa moralité, etc. Henri Avril en personne
essaye de mettre un coup d’arrêt à cette campagne de
calomnies. Une motion est adoptée lors du Congrès départemental
du FN au mois de janvier 1945 au cours duquel une tentative
d’évincer François échoue. Voici ce texte :
« Animateur extraordinaire du Front National dans le
département des Côtes du Nord. Infatigable de jour et de
nuit, échappant de justesse aux mailles de la Gestapo, sans
répit il travaille et travaille encore avec le plus noble désintéressement
à l’accomplissement de l’œuvre qu’il s’est imposée.
Nous l’avons vu, malgré les périls qui s’attachaient
à ses pas, organiser, diriger , conseiller ses camarades
dans la clandestinité avec une ardeur toujours accrue. Il
nous a guidés, entraîné, et par sa bonne humeur , son
courage, son audace ,sa sagesse , sa prudence parfois et son
a- propos toujours, il a mené à bien une oeuvre pénible
et dangereuse devant laquelle plusieurs autres auraient échoué.
La parfaite tenue de notre Congrès Départemental, sa
parfaite organisation, l’intérêt marqué manifesté par
tous les congressistes, réduisent judicieusement à leurs
justes proportions les critiques déplacées et maladroites
qui lui ont été injustement adressées. Aussi le Congrès
unanime lui vote sa confiance indéfectible et lui demande
de bien vouloir conserver dans le département sa place si méritée
au C.D.L et à la tête du Front National dont nul mieux que
lui ne saurait servir les intérêts » . Lors du Congrès
National du mouvement, Jean Devienne conduit la délégation
des Côtes du Nord, forte de 55 membres. Il est élu membre
du Comité National.
L’Aube
Nouvelle, hebdomadaire de la Fédération des Côtes du Nord
du Parti Communiste, du 22 décembre 1945, sous couvert
d’un article consacré à Louis Picard responsable du
P.C.F qui a quitté les Côtes du Nord pour la région
parisienne, indique que « Jean Devienne était membre
du parti clandestin et que cela lui a servi de tremplin ».
Cet article ajoute que « François avant sa gloire
aujourd’hui bien éteinte et bien petite, recevait avec
plaisir les conseils d’Yves Picard qui avait en lui une
confiance très, très limitée. Combien il avait raison ! ».
Le P.C.F réussit à prendre le contrôle total du journal
du FN et la dissolution de la fédération du Front National
des Côtes du Nord est prononcée à la fin du mois de
novembre 1945 comme nous l’avons évoqué dans le chapitre
consacré au mouvement..
Adieu François !
Jean
Devienne quitte les Côtes du Nord à la fin de l’année
1947. Avant son départ il rencontre quelques-uns uns de ces
compagnons de combat pendant l’occupation. Ainsi
Marguerite - Marie Billaud à Lamballe à laquelle il déclare
« En compensation de mes services dans la Résistance,
l’Etat ne m’offre qu’une simple place d’instituteur
comme avant guerre ! Or , il se trouve que cela ne me
plaît plus de faire la classe aux enfants , aussi ai-je
demandé et obtenu un engagement comme officier de Santé
dans les services de l’Intendance à Saïgon. Je pars dans
quinze jours, mon passage est retenu sur le Pasteur ».
( )
Jean
Devienne a « pas mal négligé ses propres affaires du
temps où il était dans la Résistance et à la Libération
pour se consacrer, exclusivement à celles des autres :c’était
très bien, évidemment mais peut-être aurait-il fallu
mener le tout de front, et il est désormais des choses qui
seront difficiles à raccrocher. Nous ferons, cependant,
tout notre possible pour que vos intérêts n’en souffrent
pas trop » lui écrit Ferdinand Nicolas, collaborateur
d’Henri Avril à la préfecture en Juin 1948.
Jean
Devienne en disponibilité de l’Education Nationale pour
assurer ses responsabilités à la Commission militaire départementale
jusqu’en Octobre 1947, souscrit un engagement pour 18 Mois
le 8 décembre 1947 au titre du corps militaire de liaison
administrative d’Extrême- Orient ( Administration du
service de santé ). Il est nommé dans ce corps la veille
de son embarquement à Marseille le 16 Janvier 1948 sur le
Pasteur. Il débarque à Saïgon quelques jours plus tard le
3 février 1948 et rejoint l’hôpital militaire de Hué en
qualité de gestionnaire. La guerre bat son plein. Il meurt
en Indochine au début de l’année 1949, le 25 Février à
9 H 30.Il est mort dans des circonstances étranges de deux
balles tirées dans le dos, la version officielle veut que
cela soit un accident dû à une manipulation malencontreuse
de son pistolet. Cependant divers témoignages affirment que
l’on a aidé Jean Devienne a quitté cette terre... Il
avait 38 ans. Jean Devienne était Chevalier de la Légion
d’Honneur, titulaire de la Croix de Guerre avec palme, médaillé
de la Résistance avec Rosette et médaillé de la Coloniale
avec agrafe. Ces décorations, il ne les a jamais demandées,
d’autres résistants ont été honorés bien avant lui
pour des faits d’armes auxquels lui-même avait participé.
Cet oubli sera réparé grâce à l’intervention de
certains de ses amis auprès des instances supérieures. Sa
modestie bien connue à empêcher qu’il en marque quelques
rancœurs... Il a fallu attendre cinquante ans pour qu’une
rue Jean Devienne soit inaugurée le 8 mai 1997 à
Saint-Brieuc en présence de membres de sa famille, de ses
anciens camarades de combat et du sénateur-maire Claude
Saunier.
Alain LOZACH
SOURCES.
Alain LOZACH. Visages
de la résistance Bretonne