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Le dessous des cartes
ON NE SAIT PLUS à qui se fier. Déjà que tous les serveurs de restaurant
voulaient être acteurs. Apparemment, à New York, les garçons de café
rêvent tous d'être publiés. Derrière son comptoir, lan Minot fait la
tête. Les magazines refusent ses nouvelles. Un petit charme, mais trop
proches de son expérience vécue. Il serait temps que les choses bougent
un peu.
Sa fiancée, une superbe Roumaine, séduit un agent en vue avec ses
Mémoires, Jamais nous n'avons parlé de Ceausescu. Le malheureux barman
est bientôt largué au profit d'un ex-voyou avec chaînes en or - «yo».
La serveuse tâche de le réconforter : «Tu fais partie de ces types
dérangés qui sont plus marrants quand ils sont déprimés. » Pauvre Ian.
Il se voyait en Fitzgerald, il apporte des cappuccinos à des clients
bougons, indifférents.
Parmi eux, un quadragénaire bien habillé, tout le temps en train de
lire un horrible best-seller. Le salut viendra de cet ancien éditeur
frustré. Il propose à Ian de signer le roman dont il est l'auteuret de
prétendre qu'il s'agit d'une autobiographie. Belle occasion de se
venger du milieu.
Le narrateur fonce. Il n'est pas au bout de ses surprises. Le
stratagème fonctionne au-delà de ses espérances. On lui octroie une
avance royale. Ceux qui le rejetaient sont à ses pieds.
Invitations à des cocktails, des tournées. La situation ne tarde pas à se compliquer, façon The Game.
Où s'arrête la fiction? Où commence la réalité? Finalement, peut-être
que quelqu'un a volé le manuscrit du Dit du Genji. Et si cette
receleuse existait pour de bon?
Après tout, les bibliothèques ont aussi le droit de brûler.
Adam Langer est un futé. Ça n'est pas un débutant (cinq livres à son
actif). Il dévoile le dessous des cartes, dissèque les moeurs
littéraires, s'interroge sur l'imposture.
Cela est fait avec malice et intelligence, dans une prose humoristique,
affectueuse, ensoleillée. Ici, la tristesse est enjouée, moqueuse. La
folie de la célébrité qui plait tant à nos contemporains y est scrutée
avec un microscope rigolo. La satire glisse à la série noire, puis au
roman d'amour. Tout cela nerveux, excitant.
Il y a là-dedans quelque chose de romantique et de lumineux. On ne se
départ jamais d'un certain sourire. Langer a trouvé un truc. Sous sa
plume, des noms propres prennent un sens nouveau.
Une « golightly » est une robe de soirée. Des lunettes à la mode s'appellent des « franzen».
Un personnage arbore « une ginsberg poivre et sel ».
Les jours de pluie, s'abriter sous un « poppins ».
Cela crépite à toutes les pages. Au bout d'un moment, cela coule comme une langue naturelle.
Les écrivains n'ont pas besoin de traduction.
Notes.
D'après "Les voleurs de Manhattan", d'Adam Langer(US)
J.Lohou(février 2012)
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Tous Droits Réservés (Joseph Lohou)
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