Callac-de-Bretagne

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La démographie bretonne depuis deux siècles (Octant Analyse n° 9)

Mickaël Ramonet
Résumé

La population bretonne a augmenté de 66 % en deux siècles. Très forte dans le Finistère au XIXe siècle, la croissance s'est ensuite concentrée sur le littoral sud et dans les agglomérations, en particulier celle de Rennes. Ces mutations démographiques ont accompagné les transformations de l'économie régionale : essor de la pêche et du tourisme, recul de l'agriculture. Mais les communes profitent aussi de la croissance lorsqu'elles sont chefs-lieux, que ce soit de canton, d'arrondissement ou de département. Les infrastructures contribuent également à modifier la répartition du peuplement au profit des territoires les mieux équIntroduction

La Bretagne comptait 1 883 000 habitants en 1806. Jusqu'à la première guerre mondiale, sa population a augmenté régulièrement, et presque aussi fortement qu'au niveau national. Ensuite, elle a progressé beaucoup moins vite que celle de la France. La Bretagne met plus de 60 ans pour retrouver son niveau de population de 1911, alors que France entière, 20 ont suffi. Depuis 1911, la population régionale a ainsi progressé d'un cinquième, alors que la population métropolitaine augmentait de moitié. Au total, la population bretonne a augmenté de 66 % en 2 siècles. Cette croissance a été deux fois moins forte que celle de la France métropolitaine Les tendances démographiques des départements bretons s'inversent

Jusqu'à la 1ère guerre mondiale, le Finistère connaît une croissance démographique bien plus importante que la Bretagne et la France. Il devient le département breton le plus peuplé : 810 000 personnes y habitent en 1911. Au début du XIXe siècle, le département des Côtes d'Armor (Côtes-du-Nord jusqu'en 1990) est à la fois le plus peuplé et le plus dynamique de Bretagne. Mais très rapidement, la croissance démographique s'essouffle. Sa population culmine à 645 000 habitants en 1866, avant de diminuer de façon quasi continue. À l'inverse, l'évolution démographique du Morbihan est moindre jusqu'en 1872, puis s'accélère, surtout après la seconde guerre mondiale, pour rattraper la moyenne régionale. L'évolution démographique de l'Ille-et-Vilaine, proche de celles du Morbihan avant 1872 et des Côtes- d'Armor après, grimpe en flèche après 1962 et rattrape ainsi celle du Finistère.
Après la 1ère guerre mondiale jusqu'en 1946, la population baisse dans le Finistère et le Morbihan, et même jusqu'en 1962 dans les Côtes-d'Armor. En Ille-et-Vilaine en revanche, l'année 1921 constitue un point bas, comme au niveau national. L'emploi non agricole y a progressé bien plus vite que dans le reste de la région, multiplié par 2,7 en un siècle. Pourtant, c'est dans ce département que la surface agricole et le nombre d'exploitations ont le moins diminué au cours du dernier demi-siècle. Ce fort dynamisme au XXe siècle lui permet de devenir plus peuplé que le Finistère dans les années 1990.
Même si le nombre de Costarmoricains augmente à nouveau depuis 1962, le département n'a jamais retrouvé son niveau de population du XIXe siècle. Dépassé par le Finistère en 1866, l'Ille-et-Vilaine en 1891 et enfin le Morbihan en 1954, il est désormais le département le moins peuplé de la région. La baisse de l'emploi agricole a été un peu moins forte dans les Côtes-d'Armor que dans le reste de la région ; c'est dans ce département que les emplois, agricoles ou non, sont les moins nombreux en Bretagne.

Évolution de la population bretonne par département sur deux siècles (en milliers d'habitants) Année     Côtes-d'Armor     Finistère     Ille-et-Vilaine     Morbihan     Bretagne     France métropolitaine
Source : Insee, recensements de population
1806     519,6     451,7     508,3     403,0     1 882,6     28 000,0
1846     629,0     604,2     562,9     471,5     2 267,6     35 401,8
1872     621,9     643,2     589,7     490,3     2 345,1     37 652,7
1911     605,5     809,8     608,1     578,4     2 601,8     41 479,0
1946     527,0     724,7     578,2     506,9     2 336,8     40 503,0
1975     525,6     804,1     702,2     563,6     2 595,4     52 655,9
2007     576,0     885,9     955,8     702,5     3 120,3    

La démographie bretonne a souffert de l'exode rural

Le principal moteur de la croissance démographique régionale venait de la fécondité, plus élevée que dans le reste de la France. L'écart s'est réduit à partir du début du XXe siècle. L'indice conjoncturel de fécondité régional est même devenu inférieur au niveau national en 1989. Mais cela n'a duré qu'une petite décennie (1989-1997) ; il est désormais à nouveau légèrement supérieur au niveau national. Mais les échanges migratoires ont contribué à ralentir la croissance démographique. Le solde migratoire régional a souvent été négatif au XIXe siècle. Le déficit annuel était supérieur à 10 000 personnes par an au cours de la première moitié du XXe siècle. Ensuite, le déclin de l'emploi agricole sous l'effet de la mécanisation a renforcé les départs de la région. Après 1945, le phénomène s'accélère et le secteur perd 16 000 emplois par an pendant 30 ans. Au total, 9 emplois sur 10 ont disparu dans l'agriculture en 100 ans.
Dans le même temps, les activités non agricoles stagnent à 500 000 emplois durant l'entre-deux-guerres, ce qui est moins qu'en 1906. Ce n'est qu'à partir des années soixante, avec le développement industriel, que l'emploi commence à croître régulièrement jusqu'à aujourd'hui. Plus de 1,2 million de salariés résident désormais en Bretagne. La région étant redevenue attractive, le solde migratoire est devenu positif en 1968 et l'est toujours resté depuis. Actuellement, il contribue aux trois quarts de la croissance de la population bretonne.

À la fin du XVIIIe siècle, les 5 principales villes de Bretagne sont Brest, puis Rennes, Lorient, Saint-Malo et Morlaix. Les campagnes aussi sont très peuplées, plus densément que dans le reste de la France. La région est prospère ; elle bénéficie du commerce maritime, de la pêche, de l'agriculture et de l'industrie textile. Durant la première moitié du XIXe siècle, la population augmente donc dans quasiment tous les cantons, mais de façon plus marquée dans l'ouest de la région, sur le littoral comme dans les terres. À l'est, seuls les cantons de Cancale, Rennes, Fougères et du Grand-Fougeray ont un dynamisme comparable.
Entre 1846 et 1872, la population baisse dans de nombreux cantons d'Ille-et-Vilaine et du littoral, de la pointe Saint-Matthieu à l'embouchure de la Vilaine. Mais quelques territoires profitent d'une économie locale alors florissante. Les cantons d'Uzel et de Quintin bénéficient de l'activité du lin. Le canton de Guémené est également en pleine croissance grâce aux tanneries. Les Forges des Salles dynamisent le canton de Gouarec. Dans le canton de Maël-Carhaix, les ardoisières attirent de la main-d'oeuvre.
De la fin du XIXe siècle à la première guerre mondiale, la croissance se répartit très inégalement. Le quart sud-ouest est particulièrement dynamique, tant sur la côte, de Douarnenez à Quiberon, que dans les terres jusqu'à Carhaix. Les premiers bénéficient de l'essor de la pêche côtière et de l'industrie de la conserve, les seconds des industries ardoisières, minières, des forges, de l'agriculture et de la conserve de légumes. Pendant ce temps, la population des cantons du nord et de l'est de la région stagne, voire baisse. L'ère moderne marque déjà le territoire : tandis que les campagnes commencent leur déclin, les cantons urbains émergent. À Dinard et Quiberon, le tourisme balnéaire démarre.

La pêche et le tourisme dynamisent le littoral

C'est en 1921 que les effets démographiques sévères de la 1ère guerre mondiale se mesurent. La chute du nombre d'habitants touche tout le territoire.
Durant l'entre-deux-guerres, la densification urbaine se poursuit. Dans le centre de la Bretagne, en revanche, la population diminue fortement ; les ardoisières ferment, la circulation sur le canal de Nantes à Brest est interrompue. Sur le littoral, de Saint-Brieuc à Saint-Malo et dans le sud du Finistère, la population est moins touchée. Pour la première fois également, la population des cantons de l'est de l'Ille-et-Vilaine résiste mieux ; le basculement du centre d'attraction commence à se faire sentir.
L'exode rural et l'urbanisation se poursuivent durant les Trentes Glorieuses (1946-1975). Les villes-centres commencent à déborder sur les communes voisines. La région commence à rattraper son retard industriel. Lannion décolle, grâce à l'installation en 1960 du centre de télécommunications spatiales. L'industrie automobile s'installe également autour de Rennes ; La Barre Thomas en 1953, puis Citroën en 1960. La construction de l'usine marémotrice de la Rance de 1960 à 1967 vise aussi à réduire la dépendance énergétique de la région. Mais pendant que les villes croissent, les campagnes continuent de se vider. La main-d'oeuvre libérée par la mécanisation agricole migre faute de trouver un autre travail. Mais elle part aussi en raison des conditions de vie. En effet, la plupart des lignes de train ont fermé, les voies express évitent le centre-Bretagne et les services modernes y sont plus rares. Le gaz, l'électricité, le téléphone, les commodités, même l'eau courante font souvent défaut dans les logements.
En 1962, l'équipement en gaz se concentre sur le littoral et l'est de la région. C'est dans le Finistère et sur la côte que l'ont trouve au moins 40 % de logements avec l'eau courante. En 1975, 10 % des résidences principales des Côtes-d'Armor ne disposent toujours pas de l'eau courante. C'est deux fois plus que dans le reste de la Bretagne. Dans de nombreux cantons du centre de la Bretagne, plus d'un logement sur deux n'en dispose pas.


Moins équipé, le centre de la Bretagne perd des habitants au XXe siècle

Au cours des 30 dernières années, les zones rurales du centre-ouest Bretagne ont continué à se dépeupler. L'emploi y reste rare, la population plus âgée, le territoire moins facile d'accès. La RN 164 n'est toujours pas totalement en 2x2 voies, alors que le TGV dessert désormais les côtes nord et sud de la région. Sur tout le littoral sud, de Guidel à La Roche-Bernard, la population croît fortement.
Les résidences secondaires y sont en outre très fréquentes. Le phénomène se retrouve un peu moins fortement sur le littoral nord. Les périphéries des grandes villes se peuplent aussi et s'étalent. Les actifs habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail.
En effet, la place manque dans les centres urbains pour construire de nouveaux logements. La taille des ménages diminue régulièrement, augmentant ainsi le besoin en logements : des ménages plus petits dans plus de logements. En Bretagne, le nombre moyen de personnes par logement passe de 3,2 en 1954 à 2,1 aujourd'hui. Ainsi Brest, Lorient, Saint-Brieuc perdent des habitants, Rennes et Saint-Malo croissent faiblement.

Carte : Evolution de la population bretonne par canton entre 1806 et 2007

Sur les deux siècles écoulés, malgré les aléas des fluctuations de population, c'est surtout dans six grandes agglomérations que la croissance démographique a été la plus forte : les quatre chefs-lieux de département (Rennes, Quimper, Vannes et Saint-Brieuc), ainsi que Brest et Lorient. La population des cantons périphériques de ces six villes a fortement progressé. À l'opposé, celle des cantons du centre-Bretagne et du Trégor a significativement baissé.
Le niveau de population des communes au début du XIXe siècle n'a pas déterminé leur évolution. Depuis 1800, les augmentations et pertes de population sont très fortes, et concernent autant les plus petites que les plus grandes communes de l'époque.
Près de la moitié des communes bretonnes a aujourd'hui moins d'habitants qu'en 1800. Parmi elles, 136 communes ont perdu plus de la moitié de leur population. Ploërdut était la plus peuplée de ces dernières avec près de 5 000 habitants en 1800. Ils sont 4 fois moins nombreux aujourd'hui. La population de Mérléac a été divisé par 5, c'est la plus forte baisse depuis 1800.
À l'inverse, parmi l'autre moitié de communes dont la population a augmenté, 274 ont au moins doublé leur population. 3 l'ont même plus que décuplée (Larmor-Plage dans le Morbihan, Thorigné- Fouillard et Saint-Jacques-de-la-Lande en Ille-et-Vilaine). Plus généralement, ce sont les populations des communes périphériques des grandes villes qui ont le plus progressé, autour de Rennes, Brest, Lorient... Le rang des communes en 2007 est ainsi très différent de celui en 1800. Parmi les 20 plus grandes communes d'aujourd'hui, on retrouve les dix plus grandes de 1800, mais une seule des dix suivantes.


La croissance profite plus aux chefs-lieux

Si la taille des communes en 1800 n'a pas déterminé l'évolution démographique, leur statut administratif a eu un impact beaucoup plus important. Les populations des communes chefs-lieux de département ont progressé le plus au cours des deux siècles écoulés (+ 521 %) et Rennes, le chef-lieu de région, encore plus (+ 611 %). Le nombre d'habitants des chefs-lieux d'arrondissement a également augmenté fortement : 177 % (+ 98 % pour les chefs-lieux de canton et + 25 pour les autres communes). Mais les chefs-lieux d'arrondissement ont surtout profité au XIXe siècle, moins au XXe.

Variation de population dans les différents types de communes (en %) Type de commune     1806 - 1906     1906 - 2007     1806 - 2007
Source : Insee, recensements de population

Chef-lieu de département     152     147     521
Chef-lieu d'arrondissement     131     20     177
Chef-lieu de canton     49     33     98
Autre commune     20     4     25
Bretagne     38     20     66
France métropolitaine     45     52     121


    L'Insee en région Bretagne
    La ligne éditoriale de la région Bretagne

   
Moins équipé, le centre de la Bretagne perd des habitants au XXe siècle

Au cours des 30 dernières années, les zones rurales du centre-ouest Bretagne ont continué à se dépeupler. L'emploi y reste rare, la population plus âgée, le territoire moins facile d'accès. La RN 164 n'est toujours pas totalement en 2x2 voies, alors que le TGV dessert désormais les côtes nord et sud de la région. Sur tout le littoral sud, de Guidel à La Roche-Bernard, la population croît fortement.
Les résidences secondaires y sont en outre très fréquentes. Le phénomène se retrouve un peu moins fortement sur le littoral nord. Les périphéries des grandes villes se peuplent aussi et s'étalent. Les actifs habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail.
En effet, la place manque dans les centres urbains pour construire de nouveaux logements. La taille des ménages diminue régulièrement, augmentant ainsi le besoin en logements : des ménages plus petits dans plus de logements. En Bretagne, le nombre moyen de personnes par logement passe de 3,2 en 1954 à 2,1 aujourd'hui. Ainsi Brest, Lorient, Saint-Brieuc perdent des habitants, Rennes et Saint-Malo croissent faiblement, les deux siècles écoulés, malgré les aléas des fluctuations de population, c'est surtout dans six grandes agglomérations que la croissance démographique a été la plus forte : les quatre chefs-lieux de département (Rennes, Quimper, Vannes et Saint-Brieuc), ainsi que Brest et Lorient. La population des cantons périphériques de ces six villes a fortement progressé. À l'opposé, celle des cantons du centre-Bretagne et du Trégor a significativement baissé.
Le niveau de population des communes au début du XIXe siècle n'a pas déterminé leur évolution. Depuis 1800, les augmentations et pertes de population sont très fortes, et concernent autant les plus petites que les plus grandes communes de l'époque.
Près de la moitié des communes bretonnes a aujourd'hui moins d'habitants qu'en 1800. Parmi elles, 136 communes ont perdu plus de la moitié de leur population. Ploërdut était la plus peuplée de ces dernières avec près de 5 000 habitants en 1800. Ils sont 4 fois moins nombreux aujourd'hui. La population de Mérléac a été divisé par 5, c'est la plus forte baisse depuis 1800.
À l'inverse, parmi l'autre moitié de communes dont la population a augmenté, 274 ont au moins doublé leur population. 3 l'ont même plus que décuplée (Larmor-Plage dans le Morbihan, Thorigné- Fouillard et Saint-Jacques-de-la-Lande en Ille-et-Vilaine). Plus généralement, ce sont les populations des communes périphériques des grandes villes qui ont le plus progressé, autour de Rennes, Brest, Lorient... Le rang des communes en 2007 est ainsi très différent de celui en 1800. Parmi les 20 plus grandes communes d'aujourd'hui, on retrouve les dix plus grandes de 1800, mais une seule des dix suivantes.

La croissance profite plus aux chefs-lieux

Si la taille des communes en 1800 n'a pas déterminé l'évolution démographique, leur statut administratif a eu un impact beaucoup plus important. Les populations des communes chefs-lieux de département ont progressé le plus au cours des deux siècles écoulés (+ 521 %) et Rennes, le chef-lieu de région, encore plus (+ 611 %). Le nombre d'habitants des chefs-lieux d'arrondissement a également augmenté fortement : 177 % (+ 98 % pour les chefs-lieux de canton et + 25 pour les autres communes). Mais les chefs-lieux d'arrondissement ont surtout profité au XIXe siècle, moins au XXe.

Variation de population dans les différents types de communes (en %) Type de commune     1806 - 1906     1906 - 2007     1806 - 2007
Source : Insee, recensements de population

Chef-lieu de département     152     147     521
Chef-lieu d'arrondissement     131     20     177
Chef-lieu de canton     49     33     98
Autre commune     20     4     25
Bretagne     38     20     66
France métropolitaine     45     52     121



 


 

                

  

 

 
                                             
Joseph Lohou
                                                          

 

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