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Callac-de-Bretagne |
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UNE VICTIME DE LA DÉFROQUE. [1] -
Le
citoyen Harnay [2], maire de Saint-Servais vient de se rendre coupable
d'un acte à la fois odieux et ridicule. N'ayant pu traîner le vicaire
devant les tribunaux et le poursuivre jusqu'au « dernier but » comme il
disait si bien, il a voulu assouvir sa haine contre ce prêtre en lui
faisant enlever son indemnité concordataire. Et cela par une vengeance
indigne d'un homme qui se respecte. On reste indigné devant l'odieux
d'un tel procédé... Arrivons au côté ridicule de la chose, c'est-à-dire
au motif derrière lequel se cache notre singulier "pôtrophobe".
Ce motif en effet, est assez comique : « Emploi abusif de la langue
bretonne. » Mais pourquoi M. Cozan est-il le seul prêtre cornouaillais
qui ait son traitement supprimé ?
Depuis
quand donc prêche-t-on en français dans nos paroisses bretonnantes ?
Depuis quand parle-t-on aux fidèles une langue qu'ils ne comprennent
pas? A Saint-Servais, à l'exception du maire qui ne met jamais les
pieds à l'église, il n'y a pas un conseiller municipal à même de suivre
un sermon en français.
Ce
n'est guère flatteur dans une commune où le maire est instituteur en
disponibilité, mais c'est comme ça. Après une telle victoire il pourra
encore monter sur la croix chanter ses fredaines et ses bravades !...
Qu'il ne se trompe cependant pas sur les sentiments des habitants de Saint-Servais à son égard.
C'est à eux, en particulier, que s'adresse ce quatrain breton[3] dédié à l'ex-sacristain aujourd'hui maire farouche.
Savet gant beleien
Ha gant eur vainm gristsn. „
Foei ! ha niez d'an deu ze
Ra brezel da Zoue.
(« Élevé par des prêtres
Et avec une mère chrétienne
Honte de désavouer cela
C'est provoquer la guerre à Dieu »)
Laissons le citoyen Harnay à sa besogne et saluons ces prêtres, nobles victimes des haines antireligieuses. —
Anatole Le Braz.
Notes
[1] Défroqué, Inciter vivement, forcer (quelqu'un) à abandonner le froc, l'état ecclésiastique ou monastique
[2] Harnay, Albert, maire de Saint-Servais(22).
[3] Quatrain, Poème, strophe de quatre vers. » Tu riras peut-être de ma manie de sonnets » (TLF)
Extrait du journal "La Croix des Côtes-du-Nord" en 1902.
Joseph Lohou (nov.2014)
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