Callac-de-Bretagne

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Aveu et bail du Pigeonnier de Callac en 1562


Quelques informations sur les colombiers d'autrefois.
colombier
Type de colombier usuel.


Pigeonnier et Colombier.

Le vocabulaire est riche dans ce domaine et l'on peut parler de  pigeonnier, colombier, fuie, trie, trappe, volet... sans désigner autre chose que des refuges à pigeons. Pigeonnier et colombier sont maintenant synonymes Destiné à l'élevage intensif des pigeons de consommation, le colombier semble être devenu peu à peu le symbole du rang social, le faste du bâtiment et sa taille donnant à son détenteur une importance incontestée, tout en reflétant sa richesse.

Ce type d'élevage est connu depuis la plus haute antiquité et qu'il s'est répandu dans tout le vieux monde. En France, ils sont omniprésents et on dénote même quelques zones privilégiées, dont la Normandie, mais aussi la Bretagne, région à forte densité nobiliaire, très jalouse de ses droits. . Il semble que toutes les paroisses aient eu à un moment de leur histoire un pigeonnier près d'un château ; néanmoins, certaines zones sont très nettement mieux pourvues que d'autres. L'intérêt économique du colombier
S'il est vrai que le pigeon est apprécié pour sa chair fine et agréable, nous ne pensons pas que ces considérations culinaires soient primordiales et qu'elles suffisent à justifier la grande consommation qui était faite alors des pigeons.

Parlant des plaisirs du gentilhomme campagnard, on dit que lorsque celui-ci doit traiter parents et amis :
« Il les festoye d'un cochon, d'un chapon, d'une oye et des pigeons du colombier ».
Olivier de Serres dans son ouvrage « Le théâtre d'agriculture et le ménage des champs » fait lui aussi l'éloge du pigeonnier et considère que c'est un élément indispensable dans une exploitation digne de ce nom.*
Outre l'intérêt alimentaire, le colombier apportait un engrais : la colombine. Cet engrais très prisé était utilisé dans les courtils, les emblavures, mais aussi pour amender les cultures de la vigne, du lin et du chanvre. Le pigeon avait aussi une fonction médicale ; il constituait la base de l'alimentation des malades comme des convalescents et on utilisait son sang pour guérir les maladies des yeux. Enfin, selon différents auteurs, il était possible de vendre des pigeons, ainsi que la colombine.

Les apports du colombier sont donc multiples et son intérêt économique a très rapidement été reconnu par les auteurs d'ouvrages d'agronomie dont les études n'ont pu qu'inciter les contemporains à construire des bâtiments qui, à court terme, leur apportaient tant de satisfactions.
La situation juridique, l’exemple breton.
La Très Ancienne Coutume était assez vague en ce domaine et donnait le droit de colombier à celui qui en avait eu par le passé ou à celui qui est « grand maistre au pays », notion fondée sur la superficie possédée ; celle-ci devant être suffisante pour nourrir les pigeons. Aucune allusion n'est faite à la qualité sociale du possesseur ou au statut de la terre bien qu'il soit précisé : « que ceux coulombs se puissent pourvoir sur luy ou sur ses hommes », ce qui laisse entrevoir tout de même une idée de puissance tant matérielle que sociale ; « sur ses hommes » permet de penser que le possesseur devait être seigneur. Pourtant, cette qualité n'est apparemment pas obligatoire et l'on peut concevoir qu'un roturier, propriétaire d'une grande surface pouvait en être possesseur…

Sources : Le colombier, signe extérieur de richesse- Essais sur les colombiers de Bretagne-Yves HENRY.
Annales de Bretagns et des pays de l'Ouest-Tome 88, numéro 1, 1981,  pp67/86.

 le colombier avait sous l'Ancien Régime un rôle plus important que celui qu'on s'accorde généralement à lui donner.

Le vocabulaire est riche dans ce domaine et l'on peut parler de pigeonnier, colombier, fuie, trie, trappe, volet... sans désigner autre chose que des refuges à pigeons. Pourtant, il est impossible d'attribuer de façon générale telle dénomination à tel type particulier car, selon les régions, voire même selon les localités, on accorde un sens différent au même mot. Pigeonnier et colombier sont maintenant synonymes et nous les utiliserons indifféremment. Avant la Révolution, on utilisait le mot « coulombier » qui a actuellement disparu sauf dans le patois de l'Est des Côtes-du-Nord. Il faut cependant distinguer le « colombier à pied », c'est-à-dire ayant des nids ou boulins depuis la base jusqu'au sommet, de la fuie, de plus faible contenance et que l'on trouve généralement en haut d'une tour dont la partie inférieure est un escalier ; ses boulins ne commencent jamais au niveau du sol. Quant aux tries, trappes, volets..., ce sont de petites pièces aménagées en soupente, où les pigeons étaient enfermés en permanence et nourris par leur propriétaire ; là, on ne gardait que quelques couples. Qu'il s'agisse de « colombier à pied » ou de fuie, c'est la même loi qui en régissait la possession et ce sont ces deux types qui seront concernés par cette étude, assimilés sous la dénomination de colombier.

Destiné à l'élevage intensif des pigeons de consommation, le colombier semble être devenu peu à peu le symbole du rang social, le faste du bâtiment et sa taille donnant à son détenteur une importance incontestée, tout en reflétant sa richesse. Si nous connaissons mieux les colombiers de l'époque moderne, c'est uniquement parce-que quelques- uns d'entre eux ont réussi à venir jusqu'à nous...

Sources.
Inventaire des munuments des Côtes-du-Nord par Henri Frotier de La Messelière-1931.


Le COLOMBIER de CALLAC

Présent par la cour de Kerahes[1] et soumission et prorogation de juridiction à icelle, noble homme René de Boisjoulain[2], Sieur de Boysjoulain, Maître garde et juge ordinaire des eaux et forêts de Chasteaubriant demeurant aux faubourgs de Chasteaubriant, procureur facteur et négociateur pour très haut et puissant seigneur Anne de Montmorency[3], pair et connétable de France, Seigneur de Callac, Plusquellec et Plougonver auquel le dit Sieur de Boysjoulain a promis faire ratifier valablement être devant Noël prochain d'une part.

anne
Anne de Montmorency ,(1493-1567)
Duc et Connétable, gouverneur de Saint-Malo.
Portrait par  Léonard Limosin (1556),
émail conservé au Musée du Louvre,Paris.


Et Noble homme Pierre du Bruneau[4], sieur La Touche et sénéchal, demeurant au dit Callac en la trêve de Botmel d'autre partie a, le dit Sieur de Boysjoulain en son nom, baillé, livré, cédé, guidé, transporté, délaissé au dit du Bruneau acceptant héritièrement pour lui et ses hoirs en un endroit ci-après déclaré, le colombier et fuye à pigeons du dit lieu et seigneurie de Callac à présent ruiné et entièrement de couvertures et garnitures tant de porte, huye et fermerie(?) que de blanchissement et autres réparations et de plus de 12 ans font n'y habitent aucun pigeon situés près le dit Callac en un parc qui jouxte le vieil étang[5], quel lieu est tenu par le seigneur connétable en proche fief de ligence[6] sous le roi et sa dite cour de Kerahes pour la part du dit Sieur du Bruneau outre réparer, mettre, entretenir en bonne et devoir réparation le dit colombier et fuye, payer, rendre et faire avoir au dit Seigneur connétable dessus et par an du dit colombier et fuye la somme de 40 souls monnois[7] de chef-rentes par chacun an à commencer à la Saint-Mahé[8] prochaine qui vient en un an après le commencement de la ratification et au dit terme par chacun dit an à l'avenir.

Ce que le dit Sieur du Bruneau a promis et s'est obligé sur l'obligation, gage et hypothèque au dit colombier et de ses autres biens et par son serment, payer et fournir entre les mains du receveur châtelain, fermier ou commis du dit Seigneur à la recette de la dite seigneurie de Callac parce que le dit Sieur de Boysjoulain au dit nom a promis faire et porter bon, du et suffisant, garantie au dit Sieur du Bruneau sur la jouissance du dit colombier et fuye vers et autre tous à la coutume et condition que lors et la foi que le dit Seigneur connétable ou que autre que ses hoirs viendraient faire résidence en la dite seigneurie de Callac et voudraient les avoir et retenir en sa main le dit colombier et fuye qui le pouvait faire remboursant et payant préalablement au dit Sieur du Bruneau, ses hoirs et causayant de que sera  tenue et valoir l'édifice, bâtiment et réparation au dit colombier et fuye ou l'édifice ruiné qui y est à présent estimé et prisé par Maître Guillaume Kermen[10], Jehan Cam et Ollivier Guibaer, priseurs jurés et convenus entre les partis d'avant noble homme Françoys de Coetanlem[11], Sieur de Kerbiguet, bailly et juge ordinaire de la dite cour de Callac à la somme de 97 livres, 10 sols et 10 deniers monnois vers le dit sieur de
Boysjoulain au dit nom dessus du dit colombier et fuye et y a mis ? Et ? Le dit sieur du Bruneau et lui a subrigé et fait causayant reformaire et procureur jurancable (mot incompréhensible) du dit Seigneur connétable voulu et consenti que le dit du Bruneau , ses hoirs, successeurs et causayant en jouissent et disposent et appropriment et feu héritier et leur plaids[12] sauf la condition réservé au dit seigneur connétable et ses hoirs et à tout et ainsi fournir, tenir, entretenir et accomplir tous les dits partis et chacun an et ce que icelle touchent de leurs assentiments et à leurs requêtes, condamnés par la dite cour de Kerahes par le souscrit notaire d'icelle sur leurs signes lequel de la dite cour soumis à la requête des partis qui ont pareillement signés l'original et registre de cette demeure de Maître Louis Euzenou[13], l'un des notaires souscrit, gréé et établi en la ville de Callac en la maison et demeure du dit Euzenou le 24/08/1562.

Cote : Série E des AD22.

Jérôme Caouën- http://tyarcaouen.free.fr/


Notes de la rédaction :
[1] Kerahes, vieil appellation bretonne de la ville de Carhaix, nous sommes en 1562, sous la gouvernante de Catherine de Médicis,  "l'Édit de St Germain" vient d'être proclamé ; il accorde aux révoltés la liberté de culte, la tension entre catholiques et protestants s'apaise et pourtant la  Saint-Barthélémy s'approche à grands pas...
[2]René de Boisjelin, Seigneur de Boisjelin (Nobiliaire et Armorial de Bretagne), Anc. ext. chev., réf. 1668, douze gén., réf. et montres de 1423 à 1543, par. de Pléhédel, Pordic, Lanloup; Anne de Montmorency, gouverneur de St Malo avait coomme homme de confiance et négociateur, ce maître et juge éminent...
[3]Anne de MONTMORENCY, ( 1493-Chantilly- 1567 Paris), Duc, Pair,Connétable- Voir WIKIPEDIA- Cinq ans après ce bail, Anne de Monymorency décède à Paris. Son fils François, Pair et Maréchal de France; hérite de ses biens et devient le seigneur de Callac en 1578.
[4]Piere de Bruneau, sieur de la Touche, fils de Jacques et de Marie du Rest, originaire d'Arçay du pays de Loudun. Pierre n'ayant pas eut de descendance, son frère Claude hérita de ses biens.(Source J. Caouën)
[5]Le Vieil Étang, tous les callacois connaissent ce lieu, mais sous son nom breton :  "Costang". Il y avait donc un étang sur la facade nord-est du vieux château, dont l'étendue allait de la rue Traversière bien au-delà de Pont-Ar-Vaux en contrebas de Botmel. Ce bassin était alimenté par un ru qui prenait sa source près du village de Kernestic, juste en dessous de la source de Kerroux qui alimenterait en eau la ville de Callac, bien plus tard. L'étang était utilisé autrefois par la tannerie, sous le barrage de la rue Traversière et le ru se jetait alors dans la rivière plus importante, l'Hyère au fond de la  vallée qui comportait également un étang appelé "Blandelet", ressource du moulin de Callac...
costang

Sur ce cliché d'une partie du plan cadastral de Callac en 1833, nous distinguons dans la partie supérieure, en forme d's horizontal, la route de Guingamp à Carhaix, qui montait à cette époque, vers la Place du Martray (Centre) par les rue Jobic, fort pentue, la rue du Four (banal) et de Tréguier. Elle descendait ensuite vers la Rue des Portes pour atteindre Carhaix. L'étang se trouvait à gauche de la lettre B et le ru circulait en zigzag dans la prairie vers la droite , avant de se jeter  dans la rivière  l'Hyère coulant vers le sud. En observant attentivement  le cliché, on remarque, bordant la prairie, un édifice à toit double qui représente la tannerie. Le pigeonnier, objet de notre article, détruit bien auparavant, devait se trouver en dessous du château en bas de la rue Jobic...

carte
Cet étang, sur la carte IGN de 1967,  apparaît juste entre le cimetière et Botmel.
     

[6]Fief de ligence, le fief lige, est celui pour lequel le vassal en faisant à la fois hommage à son seigneur dominant, promet de le servir envers et contre tous et y oblige tous ses biens...(Atilf)
[7]40 sous monnoie, 40 sous monnoies, monnoies de Bretaigne..   Ancienne unité monétaire, de valeur variable selon les pays et les époques. En 1536, sous François 1er, le prix du setier étant de 3 livres 1 sou 11 deniers...
[8]Saint MAHÉ, fêté le 15 août, mais "MAHÉ" signifie également les prénoms : Mathieu, Mathias, en hébrahique : matta tyah, don de Yhavé (Dieu), fèté le 23 septembre...
[9] Hoirs, successeurs et causeants, Héritiers, successeurs et causéants (ayant-cause)-
(Pascal Laurent)...
[10]Maistre Guillaume Kermen, notaire de Callac.
[11]François de Coatanlem, sieur de Kerbiguet, bailly et juge à la cour de Callac en 1562. En toute hypothèse, nous pouvons le confondre avec le François de Coatanlem, marié à Marguerite de Gourvrinec, sieur et dame de Coatleau, dont la fille Françoise épousa à cette époque, Hervé du Pontho, sieur de Coaleau en Plusquellec...
[12]Plaids, les plaids généraux étaient, sous l'Ancien Régime, des réunions pléniaires de tous les officiers de justice royale d'une sénéchaussée, sous l'autorité d'un sénéchal, les justices seigneuriales devant leur faire obéissance...
[13]Louis Euzénou, notaire à Callac, vraisemblablement sieur du Quellennec, époux de Jeanne de Kersaudy et fils d'Henry et de Marye de Coatgoureden...



Joseph Lohou (octobre 2016)