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Cahiers de Doléances
Les États généraux marquent le début
de la Révolution française. Leur but initial était de
renflouer le trésor royal mais ils furent utilisés pour
faire le point des souhaits et des griefs des sujets de
Louis XVI. Aussi avant même d'être réunis à Versailles
le 5 mai 1789, leur tâche consista à recueillir les doléances
de chacune des paroisses du royaume. Par la même occasion,
celles-ci déléguaient en cascade des représentants de
chacune des provinces de France avec des mandats souvent très
précis qui furent oubliés dans les batailles parisiennes
pour des déclarations beaucoup plus fracassantes.
Mais au-delà des dates commémorées et des images d'Épinal,
que savons-nous des détails exacts des revendications des
habitants de la France d'il y a deux siècles ? Par
souci de conservation, les actes originaux sont souvent
enfermés dans des archives et ne servent pas à l'éducation
des nouvelles générations ou à l'éclairage des
historiens. Au-delà de la simple diffusion des documents
originaux, le texte offre une véritable étude économique
et sociologique d'une campagne agricole française dans la période
qui précède la Révolution.
Voici
ce que dit l'abbé Hervé Pommeret dans sa thèse " L'Esprit
Public dans le département des Côtes-du-Nord de 1789 à
1799"
"Les brochures révolutionnaires répandues dans
tout le Royaume, et particulièrement en Bretagne, les
délibérations des villes et les modèles imprimés, ont eu
ici leurs répercussions. Les paysans, enhardis par ces
libelles, y ont de plus trouvé les formules nettes qui leur
manquaient pour exprimer leurs secrets désirs, mais c'est
à cela que leur action parait s'être bornée. Les plaintes
contre les seigneurs, contre les droits qu'ils exercent,
tiennent le premier plan dans tous les cahiers des paroisses
rurales, et quelques unes, principalement dans la
Sénéchaussée de Carhaix ne contiennent pas autres
choses..."
La rédaction de ce Cahier de Doléances à Callac en mars
1789 est une œuvre collective d’un groupe presque
exclusivement composé de gens de judicature, emmené par
Yves Le Baron, le dernier sénéchal de l’Ancien régime,
originaire du Loc’h en Pestivien et marié en 1786 avec
Marie Anne Le Gonidec, de Joseph Even, maire et subdélégué
de l’Intendance, détendeur des derniers pouvoirs de la
Seigneurie de Callac tenus par les abbés de Sainte Croix de
Quimperlé depuis 1584, de François Le Quéré, notaire et
syndic militaire, marié en 1777 avec Catherine Royaux de
Morlaix, de Jérôme Alexandre Guiot, avocat, notaire et
procureur fiscal, fils de l’ancien maire originaire de la
Marne, de Joseph Le Roux, notaire, marié à Jeanne Adrienne
Le Bonhomme et enfin de François Gouéry, aubergiste.
Comme indiqué dans la délibération, le sénéchal Yves Le
Baron et Joseph Even, le subdélégué seront les représentants
de la ville de Callac et de la trêve de Botmel à Carhaix
au siège de la Sénéchaussée. Mais cette initiative,
avait proprement confisquée la parole des habitants de
Botmel et des paysans des campagnes environnantes, le
notaire Pierre Joseph Fercoq,
fils de Gabriel Marie, en prit ombrage et ce fut l’origine
d’une célèbre dispute entre la ville de Callac et le
bourg de Botmel en 1790.
Du texte rédigé, on peut succinctement en tirer les
principaux thèmes :
·
Les revendications anti-seigneuriales
·
Le personnel des nobles est mis en cause
·
Le droit de franc-fief
·
Une simplification de la justice
·
L’opposition aux usages du domaine congéable
»Extraits des Délibérations des habitants de Callac et de
la trêve de Botmel.
Ce jour trente mars 1789, les habitants et principaux
citoyens de la ville de Callac et de la trêve de Botmel,
paroisse de Plusquellec, ayant en avis par le Sieur Le Quéré,
Syndic, des lettres de convocation des États Généraux à
Versailles le 27 avril 1789 et du règlement y annexé, ont
comparu au greffe des délibérations de la trêve de Botmel
par-devant noble maître Yves Le Baron, avocat en Parlement,
sénéchal et seul juge de la Juridiction et châtellenie de
Callac, fief amorti, et qui ont dit et délibéré ce qui
suit :
Présent : Le Sieur Procureur Fiscal.
Article 1.
La nobilité et les distinctions devant tenir principalement
à l’honneur et non à un intérêt pécuniaire, nous désirons
que les impositions royales et les charges publiques en général
soient réparties également sur tous les biens de quelque
nature qu’ils soient de chaque individu des trois ordres
à proportion de ses facultés.
Article 2.
Que les deux premiers ordres soient obligés aux même corvées
que le Tiers ordre, comme aux réparations des grands
chemins, au logement et casernement des hommes de guerre, même
aux charrois de leurs bagages, et qu’il n’y aura à cet
égard d’exemption que pour ceux à qui elle est expressément
accordée par une attribution de leurs charges.
Article 3.
Que les laquais ou valets de nobles et d’ecclésiastiques
soient sujets au tirage du sort pour la milice suivant la même
règle que l’on observe pour les valets de bourgeois et
laboureurs.
Article 4
Que le droit de franc-fief, droit onéreux par lui-même et
par les vexations des commis à la Régie et qui met un
frein au commerce libre des terres nobles soit entièrement
aboli et supprimé.
Article 5
Que les différentes justices, basses, moyennes et hautes éparses
dans les alentours du siège de Callac, soient rapprochées
à un centre commun pour y être exercées promptement et à
la plus grande commodité du peuple.
Callac est fief qui a haute, moyenne et basse justice, érigés
en châtellenie, placée à presque égale distance du Siège
Royal de Carhaix et de la Justice Ducale de Guingamp, éloignée
de quatre à cinq lieues, les justices qui l’environnent,
les plus écartées à deux lieues, sont :
La Juridiction de Coatleau
Celles de Kerranlouant
De la Roche Droniou
Du Relaix
De Paulan
De Respères
De Kergadou
De
Keramelin
De Coatrescar
Du Cludon
De Kermeno
De Kerglas
De Rosneven
De Bodeliau
De Coatgoureden
Article 6
…Promptement et à moins de … serait d’un grand
soulagement pour le peuple.
Article 7
Qu’il soit fait une réforme concernant les procédures
civiles et criminelles pour leur abréviation.
Article 8
Que les seigneurs auxquels appartiennent les suites des
crimes, soient tenus de payer aux officiers de leur justice
les frais de leurs procédures criminelles et que réformant
un abus général dans la province et qui rend les officiers
incurieux de poursuivre les délits qui se commettent dans
le ressort de leurs juridictions ; il soit fait défenses
à tous seigneurs de fiefs auxquels est attribuée la
connaissance des crimes de faire avec leurs juges,
procureurs fiscaux et greffiers la condition qu’ils feront
gratuitement les procédures d’office.
Article 9
Que sa Majesté daigne arrêter les exactions exorbitantes
des usuriers par un règlement que nous supplions sa bonté
de nous accorder.
Article 10
Qu’il soit trouvé un remède contre la disette des bois
dans la province, en grande partie de la Basse Bretagne est
régie par l’usement à domaine congéable, et il est de
l’esprit de cet usement que les arbres qui sont sur les
terres appartiennent privativement aux seigneurs fonciers,
de là le découragement des colons de faire des plantations
ou de garnir les fossés qui leur appartiennent. Le même
inconvénient n’existerait sans doute plus. Si pour
l’avenir, les colons pouvaient disposer de toutes les
sortes de bois qu’ils élèveraient sur leurs tenues comme
étant les fruits et soin de leurs peines et travaux.
Pour réunir nos doléances et réclamations ci-dessus à
celles des autres paroisses et trêves, nous avons
unanimement député à cet effet MM Le Baron et Even,
auxquels nous avons donné pouvoir de les porter à Carhaix
et d’y concourir avec les électeurs et depuis à la
nomination de députés
aux États Généraux.
Ainsi signés sur le cahier des délibérations, Le Quéré,
syndic militaire, Le Baron, sénéchal, Guiot, procureur
fiscal, Even, notaire royal et procureur, Guillou, délibérant,
Guitton, avocat, Le Roux, notaire, C.B. Le Bouhec, maître
chirurgien, Goeury et Le Bon.
Un mot rayé nul, en interlignes Even, approuvé.
François Le Bouédec, greffier des délibérations »
SOURCES
AD22 –Cahiers
de doléances de la Sénéchaussée de Carhaix.
J.Lohou (juillet 2005_mars 2017)
FERCOQ, Pierre Joseph(°1762
Botmel- +1829 Nantes), Administrateur des Côtes-du-Nord
de 1790 à 1792.