Callac-de-Bretagne

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Tu es breton si tu es beurre
 

Le journal vient d'arriver et Le pain est tout frais. Dans la cuisine, la cafetière a lâché un rot signifiant que tout est passé. Il prend un bol, le remplit, ajoute deux sucres et le pose sur la table. Il se dirige vers le frigo. Ouvre la porte. lette un ceil en haut, en bas, au milieu. Et lance soudain un cri à glacer le sang : « Y'A PLUS D'BEEEURRE !I! ».

 C'est ainsi qu'en Bretagne certaines matinées démarrent vraiment en eau de boudin.

Du beurre en cadeau de mariage.

Ne cherchez pas,  aucune région française ne compte autant d'accros au beurre, autant de travailleurs du petit matin qui ne peuveyt affronter la rigueur du quotidien si leur café n'a pas été accompagné de cet indispensable ami du petit-déjeuner. Et bien sûr, cette quasi-dépendance tient à la particularité multiséculaire du beurre breton : il est salé. Il a du goût, du caractère et depuis nombre de générations, il est inscrit dans la traçabilité bretonne.

Mais il fut pourtant, pendant bien longtemps, un produit de luxe pour la classe rurale qui le produisait. Avec sa couleur dorée comme l'or, il était le produit précieux des campagnes où on le réservait pour le vendre au marché, souvent en motte joliment moulée. Dans Les fer¬mes, on devait se contenter généralement du saindoux, la graisse de porc. Quand y en avait.

C'était un tel don du ciel, ce beurre, qu'il lui arrivait de servir de cadeau de noce. On offrait 25 kg de beurre comme on fait aujourd'hui un chèque pour offrir collectivement un voyage aux Antilles.

L'historienne Ségolène Lefèvre rappelle même, à ce propos, que pour l'un de ses deux mariages, Anne de Bretagne reçut en guise de cadeau, une bulle papale l'autorisant à manger du beurre salé même en période de carême, autorisation qui s'étendit à ses sujets. À l'époque, il est vrai, le duché de Bretagne était fort bien représenté à Rome comme en témoigne encore la présence de la chapelle Saint-Yves-des-Bretons devant laquelle, curieusement, a explosé un engin artisanal, l'an dernier. De toute évidence, il visait plutôt un pizzarolo du coin que la pieuse descendance de ta duchesse Anne.

Chez les seniors, on se souvient aussi qu'il n'y a pas silLongtemps, des collégiens partaient en pension le dimanche soir avec un paquet de beurre dans leur paquetage, délicatement glissé par une mère attentionnée au cas où le menu de la cantine serait insuffisant en lipides qu'on croyait indispensables pour bien graisser la mécanique cérébrale du fiston pensionnaire. Et dans certaines crêperies, on pouvait apporter son beurre. C'est dire s'il occupe depuis longtemps une'place que résume ce quadra breton : « La famille de ma femme est normande. Ils mettent de la crème dans tous leurs plats mais jamais de beurre sur la table ». Pauvre garçon !

Exonérés de gabelle.

Mais pourquoi donc le beurre breton est-il salé ? D'abord parce que dans le lointain la Bretagne était exonérée de la gabelle, l'impôt sur le sel. Alors forcément...au temps jadis, le sel était abondamment utilisé pour conserver les aliments. Il pouvait ainsi tenir plus longtemps et voyager bien au-delà de la Rance qui, contrairement à certains commentaires fantaisistes, n'a jamais été ainsi dénommée parce qu'elle marquait la limite de fraîcheur du beurre breton.

Mais si les Bretons ne lésinaient pas sur le sel, c'est aussi, et surtout, parce que la Bretagne était l'une des rares régions exonérées de gabelle, cet impôt sur le sel qui fut une sorte de TVA du temps jadis puisqu'elle touchait pratiquement tout le royaume. Sauf la Bretagne et quelques rares territoires. Quand on connaît l'aversion ancestrale des Bretons pour la fiscalité en tout genre (comme l'a prouvé un récent mouvement de mauvaise humeur !), on peut cependant penser qu'ils auraient préféré se mettre au beurre doux et au saindoux que de devoir garnir les caisses d'un souverain se faisant du beurre sur leur dos. Pour ne pas payer de taxe, ils étaient prêts à tout !
 
Par la grâce de cette exonération fiscale, le beurre salé a donc prospéré sur les tables bretonnes mais aussi dans les casseroles où il a très longtemps été symbolique de la cuisine bretonne au beurre, un brin roborative.

Un gâteau venu d'ailleurs.

Depuis le tournant des années 8o et le virage de la gastronomie armoricaine, devenant soudain inventive et inspirée, le beurre est un peu moins présent dans la cuisine armoricaine. Mais il n'a pas perdu de poids dans la grande spécialité bretonne : le kouign amann. Un truc indéfinissable mais qui en bouche, renvoie le miel au rang de produit acidulé.
Un dessin animé japonais qui a fait marrer les réseaux sociaux, témoigne que même au pays du Soleil Levant, le kouign amann a eu un effet ravageur sur les Nippons médusés par leur découverte de ce gâteau semblant tombé de la Voie lactée.

Si vous êtes en vacances dans la région, vous ne pouvez donc repartir sans l'avoir au moins goûté. Et si vous trouvez que ce n'est pas assez sucré, vous pouvez rajouter dessus une couche de caramel au beurre salé. C'est très bon et cela vous fera une petite douceur pour achever agréablement notre balade estivale chez les Bretons typiques.

Merci de votre visite et, en sortant, n'oubliez pas le druide.
Tu es breton si..

À vous de jouer sur facebook.corn/Ietelegramme.

Le Télégramme du 19 août 2014.

                                                                                                 Joseph Lohou (19.08.2014)