Callac-de-Bretagne

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L' anti-tour de Babel

 

L'UN DE MES CORRESPONDANTS, qui habite Perpignan, le docteur Estève, est un ancien de la Légion. Il a servi au début des années 1950 en qualité de médecin du 2e bataillon du 3e régiment étranger d'infanterie en Indochine, puis à Madagascar dans les années 1960 en tant que médecin chef du 3e RE!. Il a donc une très large expérience de la Légion étrangère, renforcée depuis 1980 par la fréquentation du 4e RE à Castelnaudary, où les légionnaires suivent une formation initiale à leur arrivée

dans le corps.

Le Dr Estève, officier de la Légion d'honneur, me parle de cette arme prestigieuse avec un enthousiasme que ne semble pas avoir entamé son état d'octogénaire, et me signale une originalité que je ne soupçonnais pas: la Légion s'occupe de promouvoir la langue française! En effet, les légionnaires sont des jeunes hommes venant de tous les pays du monde; l'une des premières nécessités lors de leur incorporation est de leur inculquer l'idiome commun, la langue de. vie : le français.

 

C' est ce que mon correspondant traduit

par cette trouvaille: constituer «  l’anti-tour de Babel»

 « Au 4° RE à Castelnaudary, dit-il, pendant seize semaines, les engagés volontaires sont soumis à des cours de français intensifs, car notre langue est langue de service, de connaissance, de conversation, de combat,de travail. Les cours sont donnés au rythme de cinq heures par semaine en moyenne, et dispensés non par des enseignants professionnels, mais par les officiers ou sous-officiers chefs de section. Depuis l'abolition du service militaire; il n'y a plus d'instituteurs diplômés disponibles pour cette tâche!

 

À ces cours formels s'ajoute une organisation des recrues reparties en binômes, c'est-à-dire la mise en équipe d'un francophone avec un non - francophone, voire de «trinômes», un francophone pour deux non- francophones, situation qui oblige, les étrangers à s'exprimer en français

pour les choses de la vie courante.

 

«Et ça marche I», me confie le médecin, Ii faut préciser tout de même qu'il existe un écrémage plutôt rigoureux au départ, , en ce qui concerne les dispositions intellectuelles. Je ne sais pas si ces soldats sentent toujours aussi «bon le sable chaud», mais «sur 9 000 candidats, dit le Dr Estève, la Légion étrangère n'en sélectionne que 1200 environ, se permettant de choisir les meilleurs (études supérieures, informatique, etc.), étant donné l'orientation numérique donnée

au combat moderne». Voilà qui doit faciliter l'apprentissage du français, si on compare ce recrutement de choix à l'afflux de baroudeurs venus de tous les azimuts que le médecin avait dû côtoyer en Indochine dans les années 1950, « L'anti­babélisation » se trouve favorisée par

le niveau plus élevé des études préalables. En tout cas, au moment où l'armée française a adopté l'anglais comme langue de combat - me dit-on -, il est rassurant, pour nous qui sommes engagés dans la Défense de la Langue Française (DLF) de savoir que nous pouvons toujours compter sur la Légion, en renfort.

 

 

 

Claude Duneton.(Le Figaro littéraire)


 

                                                                               J.Lohou(16 mars 2010)


 

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