Callac-de-Bretagne


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                             Une fabrique d'allumettes en 1854 à Callac.

En 1854, un boulanger de Callac audacieux et téméraire, M. Le Bayec, entreprit d'établir une fabrique d'allumettes chimiques à Callac. Il prit conseil auprès du maire, Jules Anne Philippe, avocat ; celui-ci lui loua un emplacement dans le fond de son jardin, longeant le chemin de Callac à Guingamp près des anciens remparts du château. Il obtint de la part du sous-préfet de Guingamp, le 2 avril 1854, l'autorisation de fonctionnement de son établissement et se mit à fabriquer des allumettes chimiques en plus de sa principale profession, celle de boulanger sur la place de Callac. Malheureusement, les archives sont muettes sur la quantité et la durée de fonctionnement de son industrie. Mais, pour l'information de nos lecteurs, nous ne pouvions passer sous silence cette initiative assez rare dans cette petite ville, essentiellement rurale et plutôt accoutumée au négoce d'œufs et beurre.

Nous nous bornerons à dire de quelle façon se fabriquent depuis un temps immémorial ces petits bâtons soufrés, qui, selon qu'ils tombent en des mains criminelles ou amies, selon qu'on s'en sert pour mettre le feu à une meule de blé dans une grange, à un tas de fagots dans une forêt, ou bien à un fourneau de charbon dans une cuisine, à quelques bûches dans une cheminée de salon, peuvent causer tant de ravages, ou nous rendre tant de services. 




Plan d'établissement de la fabrique.


Cadastre de la ville de Callac en 1833
Légende: 
N°1 Maison Philippe
N°2 Maison Le Peuch
N°3 Cour et écuries Le Peuch
N°4 Maison Le Cam
N°5 Cour et écurie Le Cam
N°6 Magasin Philippe
N°7 Hangar Philippe
N°8 Écurie Philippe
N°9 Cour de l'écurie Philippe
N°10 Jardin Le Peuch
N°11 Jardin Philippe
N°12 Jardin Le Cam
N°13 Jardin Le Gars
N°14 Baraque en bois(fabrique d'allumettes)
N°15 Chemin de Callac à Guingamp
Échelle d'un mètre à 300 mètres.
 
La maison Philippe est  la "Maison de la presse" actuelle, sur la place du Centre, ex-maison Prigent avant guerre et pour ceux qui ont vécu ces tragiques moments de l'occupation, également la"Kommandatur" de Callac de 1940 à 1944. 
A l'époque de l'établissement de la fabrique, cette grande maison bourgeoise sur la place du Martray, était occupée par Jules Anne Marie Philippe, maire de Callac et son épouse Joséphine Juliette Le Gars, grands-parents de Jules Théodore Charles Auguste Prigent (°Callac1883+1945 Callac), qui fut, avant guerre, Président de la Cour d'Appel de Rennes. Sa fille Annick épousa un professeur de Philosophie connu du nom d'Antoine Payen de la Garanderie.
 
  La maison PHILIPPE-PRIGENT sur la place du Centre(1920) 

Autorisation d'établissement  d'une fabrique d'allumettes chimiques à Callac en 1854

Du 2 avril 1854

Le Sous-préfet de l'Arrondissement de Guingamp, Département des Côtes-du-Nord,

Vu la pétition du sieur Le Bayec tendant à obtenir l'autorisation d'établir à Callac une fabrique d'allumettes chimiques,
Vu le plan des lieux et un état indicatif des matières employées par le pétitionnaire?
Vu le procès-verbal d'enquête dans lequel il n'a pas été consigné aucune déclaration; 
Vu l'avis favorable du Comité d'hygiène,
Vu l'avis favorable du maire,
Vu les dispositions du décret du 15 octobre 1810 et des ordonnances des 14 janvier 1815 et 20 septembre 1828,

Considérant que la maison où doit s'établir la fabrique dont il s'agit, est isolée, à 50 mètres au moins de toute habitation et placée de telle sorte que les voisins ne peuvent être incommodés, ni par la criante du feu, ni par les exhalations qui se dégagent des matières employés.

Considérant que si le l'établissement du sieur Le Bayec prenait, ce qui est peu probable, un développement tel qu'il compromît la sûreté ou la santé publique, l'autorité resterait toujours maîtresse de prescrire les mesures utiles,

                                                                    Est d'Avis

que le sieur Le Bayec soit autorisé à établir à Callac une fabrique d'allumettes chimiques.

                A Guingamp, le deux août 1854

                                           Le Sous-préfet

Annexe.

Les allumettes chimiques

- On ne sait rien de bien précis sur l'origine et l'invention des allumettes chimiques mais notre propos consiste plutôt à donner quelques éléments de la technique de fabrication.

Le bois employé pour faire les allumettes chimiques est presque toujours le sapin du Nord. On emploie également le sapin ordinaire, le pin, le tremble, le pin d'Écosse, le hêtre, le tilleul, le bouleau, le saule, le peuplier et le cèdre.. Dans l'opération de la taille, au lieu de hacher entièrement les petits blocs de bois de façon à isoler les baguettes les unes des autres, on laisse celles-ci adhérentes entre elles par la base, en arrêtant le couteau à 1 centimètre environ au-dessus du support. Quant aux allumettes cylindriques, qu'on ne peut faire autrement que de séparer tout à fait de la bûche, on les place verticalement dans des cases qui peuvent en contenir trente-deux rangées de quarante chacune, séparées les unes des autres par de petites lames en bois ou en carton doublées de drap. Toutes les allumettes sont ainsi disposées parallèlement, leurs extrémités sont toutes sur deux plans également parallèles, et les interstices ménagés à l'aide de règles en bois ou en carton permettent tant au soufre qu'à la composition dans laquelle on les immerge ensuite de pénétrer partout à une égale hauteur. Mais avant de garnir les allumettes on les porte, soit réunies en paquets, soit fixées et serrées dans les cadres, sur une plaque en fonte chaulée à 250°, pour achever de les dessécher. On les plonge ensuite jusqu'à une profondeur de 6 à 8 millimètres dans le bain de soufre, puis on les pose un instant seulement sur une table de marbre, où la préparation chimique est étendue sur une couche de 2 millimètres d'épaisseur.

    Cette préparation a beaucoup varié depuis l'origine, On y faisait d'abord entrer du chlorate de potasse, ce qui donnait une pâte qui ne s'enflammait qu'avec une explosion souvent assez forte pour qu'il fût prudent, au moment où on frottait l'allumette, de fermer les yeux et de détourner la tête, de crainte d'accident. Pour la pâte à la colle, on opère à chaud. La colle, concassée en morceaux et détrempée pendant trois heures dans l'eau froide, est transvasée ensuite dans un matras, où on la chauffe au bain-marie. Lorsqu'elle a atteint la température de 100°, on retire le vase, on l'assujettit dans un établi et l'on y met le phosphore. On remue vivement le tout avec un écouvillon garni de crins, afin de diviser le phosphore et de le répartir également dans la masse. On ajoute alors le sable fin et la matière colorante en agitant de nouveau, et la pâte étant ainsi faite, on la verse sur une table de marbre ou de fonte maintenue à une température de 36 à 40° par un bain-marie placé au-dessous, et on l'y étend en une couche de l'épaisseur que nous avons dite. Cette couche est entretenue au même niveau par des additions successives de matière, tant qu'on en a besoin pour garnir les allumettes. .

Pour la pâte à la gomme, on se sert d'un mucilage épais préparé d'avance avec cette matière; on opère, du reste, comme précédemment, à ceci près que, la mélange étant fait et battu à l'écouvillon, on le laisse refroidir, et l'on n'a pas besoin de le réchauffer pour s'en servir. Lorsque les allumettes sont garnies, on les porte dans une étuve où on dispose les cadres entre des montants en fer. Deux heures suffisent pour achever la dessiccation des allumettes garnies à la colle, tandis qu'il en faut vingt-quatre pour les allumettes à la gomme.

Une nouvelle amélioration assez importante s'est encore introduite dans cette industrie aujourd'hui si répandue. 0n a, en Angleterre, substitué au phosphore à l'état ordinaire le phosphore rouge ou amorphe, qui a l'avantage : 

1° d'être sous forme d'une poudre facile à mélanger avec d'autres substances; 
2° de ne point brûler spontanément au contact de l'air ;
 3° de ne répandre aucune odeur...


La fraude aux allumettes

"Circulaire à MM. les Sous Préfets, Maires et Commissaires de police du département.

Messieurs,
M. le Ministre des finances vient d'appeler mon attention sur le préjudice que peut causer aux intérêts du Trésor la fabrication clandestine des allumettes chimiques.
Le moyen le plus efficace d'empêcher la fabrication frauduleuse des allumettes est évidemment d'exercer la plus grande surveillance sur le commerce du phosphore.
Or, cette substance, qui constitue un élément indispensable pour la fabrication des allumettes chimiques, a été rangée au nombre des matières vénéneuses par le décret du 8 juillet 1850..."
 




Sources
AD22- série M - cote 5 M 39.  
http://membres.lycos.fr/chipe/allumettes2.html
                     


                                                                                                                                J.Lohou ( juin 2005)

 

 


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