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Callac-de-Bretagne |
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Lettre de Juliette Drouet à Victor Hugo
“ Ma vertu c'est de t'aimer, mon corps, mon sang, mon cœur, ma vie, mon âme sont employés à t'aimer
Il était une
coutume insolite qui unissait l’écrivain français Victor Hugo et la
femme qui partagea sa vie pendant cinquante ans, la comédienne Juliette
Drouet : à chacun de leur anniversaire amoureux, et à chaque nouvelle
année, ils s’envoyaient une lettre dans laquelle ils exaltaient leurs
sentiments l’un pour l’autre, comme pour renouveler les vœux d’une
passion qui ne s’est jamais officialisée. Et celle-ci ne déroge pas à
la tradition ! Une nouvelle fois, Juliette clame son amour, plaçant le
premier jour de cette année 1862 sous le signe du bonheur : « T’aimer,
t’aimer, t’aimer, voilà ma seule et unique destination ».
1 janvier 1862
Bonjour, mon
ineffable bien-aimé, bonjour, beau jour, bonheur, sourires, tendresses,
amour, je t’envoie tout cela dans un seul baiser. J’attendais le jour
depuis bien longtemps pour avoir ma chère petite lettre, enfin, je la
tiens ! Je la lis, je la baise et je l’adore ! Mais j’entends que tu
ouvres ta fenêtre, je quitte ma lettre pour courir à toi…
C’est fait, je
t’ai vu ! Mes yeux se sont remplis de ton regard, mon cœur de tes
baisers, mon âme d’extase ! Merci, mon doux adoré, merci, que toutes
les bénédictions de Dieu soient sur toi et sur tous ceux que tu aimes
et qu’il vous accorde ce que tu lui demandes, à travers mon ardente et
incessante prière, de ne nous séparer jamais une minute en cette vie ni
dans l’autre. J’espère qu’il nous exaucera, mon adoré bien-aimé, et
qu’il nous épargnera la douleur, j’allais dire la honte, car pour moi
il me semble que je serais déshonorée si j’avais le malheur de te
survivre un jour.
Aussi j’espère
que Dieu nous donnera le bonheur et nous fera l’honneur de nous appeler
à lui en même temps et qu’il soudera nos deux âmes l’une à l’autre pour
l’éternité.
Cher adoré, je
suis toute troublée, comme il m’arrive toujours chaque fois que je
reçois une lettre de toi. Ton amour sous cette forme est un élixir
divin qui enivre tout mon être.
Cependant, à
travers mon éblouissement, je sens que je ne mérite pas tout ce que tu
penses de moi, car je ne vaux que par ce que je t’aime.
En dehors de mon
amour, je suis une pauvre femme bien ordinaire, bien inculte et bien
imparfaite, je le sais, je le sais, je le sais. Et je pourrais presque
dire que cela m’est égal, en tant que tu n’en souffres pas.
Ma vertu c’est
de t’aimer, mon corps, mon sang, mon cœur, ma vie, mon âme sont
employés à t’aimer. En dehors de mon amour, je ne suis rien, je ne
comprends rien, je ne veux rien. T’aimer, t’aimer, t’aimer, voilà ma
seule et unique destination. Je n’en pourrais et ne saurais en avoir
d’autres, quand bien même je le désirerais, parce que toutes mes forces
et toute volonté tendent à t’aimer uniquement.
Sois béni
pourtant, mon généreux bien-aimé, pour tous les rayons que tu mets
autour de mon amour et que ma reconnaissance et mes bénédictions soient
pour toi autant de bonheur et de félicité de plus dans ta vie.
Je te dis toutes
ces choses dans une sorte de fièvre d’âme qui ne me permet pas de
distinguer ce que je t’écris, mais le fond, du premier mot jusqu’au
dernier, c’est que je t’aime, que je suis bien heureuse, que je te
bénis et que j’associe ton ange et le mien à mon amour et à mes
bénédictions.
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